Erik Pigani

 

Psychologue de formation, psychothérapeuthe, Erik Pigani est journaliste à Psychologies Magazine. Il est l’auteur de Channels, les médiums du Nouvel Age, Musique et Spiritualité, Et le divin dans tout ça ?

 

« Complètement naturelles… je t’assure ! s’exclame Maud Kristen. Plus les années passent, plus je trouve que les facultés psi sont naturelles. D’ailleurs, parmi mes consultants, il n’y a guère que les Occidentaux pour s’étonner lorsque je décris des événements précis de leur vie. Je reçois régulièrement des ministres et des hommes d’affaires africains et orientaux. Eh bien ! ceux-là n’ont pas du tout la même attitude que les Européens. Lorsqu’ils consultent un voyant, ils s’attendent à ce qu’il ait un don de télépathie, de clairvoyance et, bien sûr, de précognition. C’est quand même la moindre des choses ! » Maud reprend sa tasse de thé, hésite, la repose, s’essuie les mains, et poursuit : « Regarde : il n’y a pas très longtemps, j’ai fait une expérience de clairvoyance avec un groupe de personnes. Parmi elles, un médecin avait mis une photo dans une enveloppe scellée. Elle représentait sa femme et sa fille devant une digue au bord de la mer. J’ai pris l’enveloppe – dont je ne connaissais pas le contenu – et j’ai décrit la mer, la digue, la fille. Mais j’avais vu une femme de type exotique. Lorsque nous avons ouvert l’enveloppe, tout était bien là, sauf que sa femme avait un type européen. Pourtant, le médecin était sidéré. Il nous a alors expliqué que les grands-parents de sa femme étaient d’origine martiniquaise ! Confronté pour la première fois à un phénomène psi, il était dans un drôle d’état. Il en avait vu pour toute sa vie ! »

Je riais. Maud Kristen, bien connue pour son franc-parler, était devenue la coqueluche des médias en septembre 1987, après un passage remarqué aux « Dossiers de l’écran ». Notre première rencontre avait eu lieu en octobre 1988, à … l’Ecole de la magistrature de Bordeaux ! Etrange ? Non : un groupe d’étudiants y avait présenté un mémoire sur les rapports entre la justice et les professionnels de la voyance. Nous avions été invités pour évaluer ce travail et participer à la soutenance. La complicité a été immédiate. Depuis, comme pour beaucoup de mes confrères, Maud est devenue ma « sorcière préférée ». Paradoxal puisque, de la sorcière, elle n’a ni le look ni l’esprit : mi-cool mi-branchée, la parole facile, sa notoriété suscite bien des jalousies chez nombre de ses consoeurs. Des réactions de colère parfois. C’est qu’elle ne rate pas une occasion de dénoncer les pratiques de ceux qui se proclament voyants, mais qui n’ont jamais rien vu de leur vie. Ou presque rien. Sans compter les marabouts, mages et autres sorciers dont les pratiques n’ont rien de commun avec la voyance, et qui font des dégâts (psychologiques, spirituels et financiers …) considérables, parfois irréparables. Un coup de gueule qu’elle a d’ailleurs poussé à cœur ouvert dans Pour en finir avec Madame Irma, un livre au style aussi succulent que pertinent…

S’il n’est pas spontané, le don de précognition est difficile à faire éclore. En outre, il faut l’entretenir, le maintenir, être capable de s’en servir à bon escient. Il ne s’agit pas de s’en servir pour gagner argent et notoriété, mais de le servir, et de servir l’Esprit. Cela exige une certaine hygiène de vie : faire des pauses, jeûner, méditer régulièrement… C’est un « état de propreté » qui permet à certaines choses de passer à travers soi. Et ces choses sont manifestement sur un plan de conscience plus élevé que le nôtre. Du moins, c’est ce que je crois… » Par expérience, je sais que Maud ne ment pas. Ce qu’elle dit, elle le pratique. C’est assez rare pour que je le mentionne. D’ailleurs, elle considère que trois clients par jour, c’est pour elle, un maximum. De plus, elle commence toujours ses consultations en s’efforçant de percevoir le passé et le présent de son client. Si rien ne vient, elle arrête la séance, et le client rentre chez lui sans payer la consultation. Une simple question d’éthique qui, respectée par tous les professionnels, éviterait bien des dégâts psychologiques. »

Extrait de PSI, Enquête sur les phénomènes paranormaux, Editions J’ai Lu, Presses du Châtelet, 1999