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2) Me laisser m’exprimer et consigner mes dires sans jamais ne me fournir d’indice extérieur.
L’histoire commence dans mon salon, se poursuit dans le cabinet du généalogiste et se poursuit avec par la contributions d’autres médiums, en Europe et aux USA.
Un voyage passionnant qui s’achève par d’étonnantes conclusions sur la vie dans l’au delà…
Entre rejet et intégration :
Le paranormal en France et dans les cultures anglo-saxonnes, par Françoise Daret-Taylor
Françoise Daret-Taylor a un Ph.D. (Doctorat) de l’Université du Maryland. Après un passage par le journalisme, elle a enseigné dans l’Ecole d’Affaires internationales d’une université de la côte Est des Etats-Unis. Des expériences personnelles (rêves prémonitoires, sortie du corps lors d’une opération) l’ont amenée à s’intéresser à certains phénomènes paranormaux. Sa rencontre avec Maud Kristen et les expériences faites avec elle ont orienté ses investigations vers la médiumnité– précognition et rétrocognition–et la psychométrie. Vivant aux Etats-Unis, elle s’est intéressée à la réception des phénomènes paranormaux dans ce pays. Ses recherches ont également porté sur le shamanisme chez les Indiens d’Amérique du Nord et l’usage de substances psychoactives pour atteindre des états modifiés de conscience dans ces cultures.
Princeton, Harvard, Stanford, UCLA, Cornell University, Duke University, University of Arizona, University of Virginia, University of Edimburgh. Tous ces noms sont évocateurs d’institutions académiques prestigieuses, américaines ou anglaises, de savants nobelisés poursuivant des recherches futuristes dans des laboratoires suréquipés, de doctes professeurs transmettant des savoirs de pointe à des étudiants triés sur le volet. Plusieurs de ces universités figurent dans les 10 premières des classements des meilleurs établissements d’enseignement supérieur du monde établis chaque année. Et toutes ces universités réputées ont une chose en commun : le fait d’avoir, ou d’avoir eu, un département ou un programme consacré à la recherche dans le domaine de la parapsychologie et/ou du paranormal.
Stanford fut la première institution universitaire à étudier l’ESP (Extrasensory Power, perception extrasensorielle) et la PK (psychokinèse, la possibilité de déplacer des objets par la pensée) dès 1911. Plus récemment, c’est au Stanford Research Institute qu’ont été conduits des tests rigoureux visant à contrôler la réalité des supposées facultés psychiques d’Uri Geller. Mais surtout c’est le SRI qui, sur demande de la CIA et de la NSA, a initié et développé le célèbre programme de recherche Stargate dont l’objectif était de tester la réalité de la vision à distance (Remote Viewing) dans le but d’établir si l’application de cette pratique au renseignement était viable. C’est la CIA elle-même qui est à l’origine de ce programme, qui a été lancé en réponse aux recherches faites par les Soviétiques en matière de parapsychologie et au fait que ceux-ci auraient utilisé ces découvertes pour espionner leurs adversaires américains. Soucieux de ne pas se laisser distancer, les dirigeants de l’organisation ont cherché un laboratoire susceptible de conduire discrètement de telles recherches et ils ont contacté Stanford. C’est le Pr. H.E. Puthoff, qui conduisait alors des recherches sur les lasers et la biologie quantique, qui fut le fondateur et le premier directeur du programme, de 1972 à 1985, ce programme ayant continué sous un leadership différent jusqu’en 1995 à Fort Meade dans le Maryland.
Pendant près de 15 ans, 22 mediums (parmi lesquels Robert MacMoneagle avec qui Maud Kristen a été testée aux Etats-Unis par le professeur Norman Don) ont travaillé selon des protocoles différents, mais toujours avec une méthodologie rigoureuse : il a été demandé aux mediums tout d’abord d’identifier des objets contenus dans des boites fermées, puis de décrire différents sites de San Francisco où se rendait une personne donnée (beacon person), puis des lieux de plus en plus éloignés pour lesquels on fournissait seulement au medium les coordonnées de longitude et de latitude, jusqu’à des planètes enfin. Et surtout ont eu lieu des tests d’« Operational Remote Viewing » où les cibles à identifier étaient situées en Union Soviétique, dans des laboratoires ou sur des bases militaires, comme dans le cas de l’expérience de Semipalatinsk, avec le medium Pat Price, où celle-ci décrivit une grue à plusieurs étages érigée sur cette base. Ces tests en réel ont porté sur une variété de cibles allant de machines à encrypter jusqu’à des sous-marins, et la confirmation de l’exactitude ce ces descriptions a pu être éventuellement fournie par d’autres sources.
Le programme Stargate a été finalement abandonné en 1995, suite à la réduction des crédits Défense liée à la fin de la Guerre froide, à des problèmes de management et au fait que si la réalité de ces phénomènes était avérée, leur utilité pour des activités d’espionnage n’a pas été démontrée. Néanmoins le directeur du programme, le Professeur Puthoff a tiré la conclusion que ces expériences avait prouvé « de façon non équivoque la capacité humaine à accéder des événements éloignés dans l’espace et le temps par des processus cognitifs encore incompris » et que « ce fait devait être pris en compte dans toute démarche visant à développer une représentation impartiale de la structure du réel ». Donc, dans ce cas, la vision à distance a été jugée comme étant un domaine de recherche légitime par une institution universitaire top niveau, et par une organisation , la CIA, poursuivant des objectifs très concrets et tangibles : obtenir du renseignement par l’espionnage et superviser l’organisation d’opérations clandestines dans des pays étrangers.
Ce n’est pas un exemple isolé : Princeton s’est intéressé aussi à ces questions. De 1979 à 2007, le département d’Engineering de Princeton a abrité le PEAR (Princeton Engineering Anomaly Research) initialement dirigé par le Professeur Robert G. Jahn dont l’objectif était d’établir la réalité (ou non) de divers phénomènes paranormaux : action de la conscience sur la matière, ESP (perception extra-sensorielle), TK (télékinèse) ; ces recherches ont duré 28 ans, durant lesquels de nombreuses expériences ont été réalisées dont les résultats ont permis de constater l’existence de déviations statistiques excluant la possibilité que de tels résultats soient le fait du hasard : http://fr.wikipedia.org/wiki/Princeton_Engineering_Anomalies_Research
A Harvard, des recherches sur le paranormal ont également eu lieu, mais les chercheurs ont pris le problème par l’autre bout : ils ont cherché à démontrer que la perception extra-sensorielle n’existait pas. Pour ce faire, ils ont utilisé de nouvelles méthodes : brain scans en particulier, pour mettre en évidence une éventuelle capacité des êtres humains à acquérir des informations par une voie extra-sensorielle (c’est-à-dire autrement que par le témoignage de leurs cinq sens). La conclusion tirée de ces recherches est qu’il aurait été impossible d’établir que l’ESP n’existe pas.
Ajoutons à cette liste d’universités américaines étudiant le paranormal la Duke University, spécialement importante dans ce domaine parce c’est là que le célèbre J.B. Rhine (1895/1980), inventeur des cartes portant son nom, a mené ses recherches à partir de 1935. Docteur en biologie, ex-Marine et tireur d’élite, il a commencé à s’intéresser à ces questions suite à une conférence d’Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes, lui-même médecin et spiritualiste convaincu, qui avait ce jour là abordé le thème de la communication avec les morts. Rhine créa ainsi le Parapsychology Laboratory, lui-même intégré dans le Département de psychologie de l’université, qui étudia la perception extra-sensorielle et la PK avec la collaboration du medium Mina Crandon. Rhine est considéré comme le père de la parapsychologie – c’est lui qui a popularisé le terme—pour avoir fondé cette spécialité comme champ d’études scientifique et académique en l’abordant pour la première fois de façon quantitative et statistique et non plus qualitative et en mettant au point des procédures standard d’expérimentation. Le Rhine Research Center poursuit ses travaux de nos jours : http://www.rhine.org/
La Cornell University a également mené une étude portant sur la précognition (capacité à prévoir des événements futurs) qui a duré de 2002 à 2010 ; 1 000 étudiants de BA (Licence) ont servi de cobayes pour cette étude et ont été testés au cours de neuf sessions, sous la direction du Professeur Daryl Bem, avec la particularité que les recherches de Bem se situent dans le cadre d’une démarche d’intégration des phénomènes observés aux théories de la physique quantique. Huit sur neuf de ces expériences ont confirmé l’existence du psy, et le taux de probabilité d’obtention de tels résultats par chance pure ou suite à des erreurs statistiques aurait été évalué à 1/74 milliards.
Autre institution universitaire où des chercheurs se sont intéressés à ces phénomènes, UCLA, bien connue des Français. De 1968 à 1978, un Département de recherches paranormales opérant dans le cadre du Neuropsychiatric Institute s’est consacré à l’étude de la clairvoyance, de la télépathie, des maisons hantées et de la photographie Kirlian tandis qu’un groupe de développement des facultés psychiques apprenait aux étudiants à développer leurs « superpouvoirs ». C’est sur les recherches de cette équipe, menée par les Professeurs Barry Taff et Kerry Gaynor qu’a été basé le film « The Entity ».
A l’Université de Virginie, la Division of Perceptual Studies, faisant partie du Département de médecine psychiatrique, s’est consacrée à l’étude des vies antérieures pendant 6 ans. La DPS a été crée en 1967 par le Dr. Ian Stevenson (1918-2007), biochimiste et psychiatre, auteur de nombreux livres sur la réincarnation (dont trois traduits en Français), qui a examiné les témoignages de réincarnation donnés par des enfants, les NDEs (Near Death Experiences , expériences de mort approchée), la communication avec les morts et les états modifiés de conscience. La thèse de la réincarnation semble plausible si l’on en croit les observations du Professeur Stevenson ; et le DPS continue ses recherches : http://www.medicine.virginia.edu/clinical/departments/psychiatry/sections/cspp/dops/home-page
Enfin, le Département de psychologie de l’Université d’Arizona, sous la direction du Professeur Gary Schwartz, a conduit de 2006 à 2008 le programme Veritas et de 2008 à maintenant le programme Sophia, dans le but d’établir si la conscience et la personnalité humaines survivent à la mort physique. A été étudié ensuite dans le programme Sophia la question de la communication avec les morts, celle des entités désincarnées et des guides. Une évaluation approfondie du phénomène de la médiumnité a été réalisée en testant de façon rigoureuse un groupe de mediums, dont la fameuse Alison Dubois, dont les exploits prédictifs ont été fictionnalisés dans la série télévisée Medium. Le programme Veritas a prolongé ces tests en mettant au point un système de rating (évaluation) pour ces mediums comportant 4 niveaux. Ce programme est maintenant interrompu mais le testing et l’évaluation des mediums a été repris par le Windbridge Institute, sous la houlette d’une collaboratrice du Professeur Schwartz, le Professeur Julie Beischtel : www.windbridge.com
Comme on voit, et contrairement à la France, l’étude du paranormal a droit de cité dans les universités les plus réputées du monde anglo-saxon. Mais cette reconnaissance du paranormal ne se limite pas aux institutions d’enseignement supérieur, elle concerne également d’autres sphères de la société. Les églises spiritualistes (ou le service religieux, en plus des prières et des hymnes habituels, implique la présence d’un medium qui dirige le service et transmet aux fidèles des messages de leurs disparus) sont très nombreuses aux Etats-Unis et en Angleterre, certaines existent depuis plus d’un siècle et elles se comptent par centaines—la seule Californie en compte une quarantaine. Ces églises sont complètement intégrées à la vie quotidienne des fidèles, elles organisent des groupes de méditation, de prière, de guérison des maladies (healing groups), des camps de vacances spiritualistes (par exemple celui de Lily Dale dans l’état de New York), il y a des églises spiritualistes noires, indiennes etc. C’est souvent dans ces églises que les mediums en herbe font leurs premières armes. Ces églises spiritualistes rassemblent habituellement des fidèles de convictions progressistes : elles ont été à l’avant-garde des combats pour la tempérance, contre la peine de mort, pour le suffrage et les droits des femmes, pour le végétarianisme et les droits des animaux. Ce vaste mouvement spiritualiste est inexistant en France. Et des centaines d’associations privées s’adonnent en outre à l’étude de ces questions.
Enfin, toutes sortes de personnalités célèbres américaines et anglaises se sont passionnées pour le paranormal : des savants comme Edison (qui a travaillé sur une machine permettant de communiquer avec les morts), le physicien et mathématicien Sir Oliver Lodge (1851-1940), dont les travaux ont porté sur la conductivité thermale et la thermo-électricité, inventeur de la bougie utilisée dans les moteurs de voiture, qui a la suite de sa rencontre avec le medium Leonore Piper, fut convaincu qu’il y avait quelque chose à explorer derrière ces anomalies.
Sir William Crookes (1832-1919), physicien et chimiste, inventeur du radiomètre, du tube de Crookes et découvreur du thalium, qui lui aussi suite à sa rencontre avec un medium anglais célèbre, D.D. Home, se lança dans l’investigation expérimentale de ces phénomènes. Wolfgang Pauli, prix Nobel, pour ses travaux dans le domaine de la physique quantique, Alan Turing (1912/1954), mathématicien, logicien, crypto-analyste vedette de Blechley Park pendant la Deuxième guerre mondiale, le père de l’informatique théorique et de l’intelligence artificielle, Michael Faraday (1791/1867) physicien, chimiste, spécialiste de l’électromagnétique et de l’électrochimie, inventeur de la célèbre « cage de Faraday », Einstein, etc. Des médecins, des psychologues et des écrivains comme Arthur Conan Doyle, Carl Jung, Arthur Koestler. Aux Etats-Unis, cet intérêt a continué au XXème siècle avec le Dr Elizabeth Kübler Ross, le Dr. J.B. Rhine et le Dr.Ian Stevenson cités ci-dessus, et bien d’autres.
On voit que le paranormal a bien été considéré comme un objet de recherches scientifiques légitime aux Etats-Unis depuis le XIXème siècle jusqu’à nos jours. Au XIXème siècle, la France aussi comptait des savants réputés s’intéressant à ces questions et y consacrant des recherches : l’astronome Camille Flammarion, le Professeur Charles Richet, physiologiste, prix Nobel de médecine, découvreur du choc anaphylactique, Pierre et Marie Curie qui se sont intéressés à la médiumnité, le colonel de Rochas, polytechnicien et administrateur de l’Ecole polytechnique. Parmi les philosophes et les écrivains, citons Henri Bergson et Gabriel Marcel, Alexandre Dumas et Victor Hugo dont les expériences avec les tables tournantes sont bien connues, et plus tard André Breton et les surréalistes. Même Jean Jaurès s’est intéressé à ces phénomènes. Les personnalités scientifiques ci-dessus publiaient des articles dans les meilleures revues savantes sur leurs recherches, cela ne posait pas problème.
Mais en France, après les années 30, l’intérêt des savants et des élites pour ces phénomènes disparaît. A partir de cette période, tout ce qui relève du paranormal est banni du champ scientifique et classé désormais comme « parascience ». Il est décidé que la question est définitivement réglée et qu’il est désormais inutile et même inacceptable d’en débattre : tout cela ne relève que de la crédulité populaire exploitée par d’habiles charlatans. Les savants cessent leurs recherches et expériences dans ces domaines, les revues savantes ne publient plus d’articles sur ces sujets, les phénomènes paranormaux disparaissent de la liste des objets scientifiques publiée par le CNRS. Tout chercheur qui s’obstinerait à étudier ces phénomènes s’expose à ruiner sa crédibilité professionnelle et à être ostracisé par la communauté scientifique. Alors même que les études et expériences s’accumulent dans les pays anglo-saxons établissant l’une après l’autre, par des milliers de tests et d’expériences conduits selon des méthodologies rigoureuses, que les résultats obtenus s’écartent plus ou moins fortement des chiffres de probabilités statistiques—mais s’en écartent presque toujours. Il est surprenant que de tels résultats obtenus par des dizaines de chercheurs sur des décennies d’expériences sur le continent américain et en Angleterre soient ainsi superbement ignorés en France et on est en droit de se poser la question des raisons de ce rejet français.
Bertrand Méheust, dans son livre « Devenez savants, découvrez les sorciers » fournit d’intéressants éléments de réponse. D’abord, selon lui, il y a en France d’une part « fermeture des élites au paranormal », d’autre part « surexploitation (du paranormal) par les medias », ces deux aspects étant liés car « l’exploitation médiatique contribue à renforcer l’élite dans sa fermeture ». Autrement dit, les gens ordinaires dans ce pays ne sont pas du tout fermés au paranormal, qui au contraire fleurit abondamment sous sa forme populaire—émissions de télé, rubriques dans les journaux, recours aux voyantes et médiums, magnétiseurs, rebouteux etc. Ce rejet ne concerne que les élites, et il est relativement récent, comme on vient de le voir plus haut.
Pourquoi les élites françaises se sont elles détournées du paranormal ? Méheust voit une des causes de ce rejet dans l’importance prise en France par les théories marxistes, structuralistes et freudiennes dans l’intelligentsia après la Deuxième guerre mondiale, importance accompagnée d’un recul marqué de l’emprise de la religion. Dans la mesure où le questionnement métapsychique est associé par ces élites –à tort– avec la croyance religieuse, il est désormais vu comme archaïque, correspondant à une phase dépassée du développement scientifique et identifié à une forme d’obscurantisme. De plus, suite à la Deuxième guerre mondiale et au fatras d’articles parus sur les liens du nazisme avec l’occulte, le mouvement Ostara, la Thulé Gesellschaft, les mediums d’Hitler etc, la parapsychologie a été vue comme non seulement associée à la religion mais au fascisme et à l’extrême-droite.
C’est oublier que des hommes de gauche s’y sont intéressés, à commencer par Jaurès, et que le magnétisme—rappelle Bertrand Méheust—forme originelle du spiritisme en France, a été associé à la notion de révolution sociale, tandis que les premières expériences avérant l’existence de la télépathie étaient vues comme prouvant l’interconnection/interdépendance de tous les êtres, elle-même confirmant le caractère naturel et logique d’une organisation sociale de type collectiviste.
C’est ainsi que ces sujets vus comme « crypto-fascistes » ont été mis au ban des objets d’investigation scientifique par des élites intellectuelles françaises majoritairement acquises aux convictions politiques de gauche : le paranormal participait des forces obscures qui menaçaient la démocratie et aurait eu partie liée avec un éventuel retour de la « bête immonde ».
Ces vues sont basées sur des erreurs d’analyse fondamentales : il n’est nullement indispensable de postuler l’existence de Dieu pour s’intéresser au paranormal. Ceux qui s’y intéressent ne sont pas nécessairement des suppôts de l’obscurantisme ou des nostalgiques du IIIème Reich, des néo-paiens ou des réactionnaires invétérés —en témoigne l’importance de ces recherches dans les pays anglo-saxons et scandinaves dont l’attachement aux libertés démocratiques et le peu d’enthousiasme pour les mouvements fascistes est connu.
Méheust souligne que ce que le paranormal menace surtout, c’est la tendance des élites françaises à la rigidité théorique : ces élites ayant adhéré à des théories—marxisme matérialiste en particulier—qui excluaient par définition l’existence du paranormal, lorsque des membres de ces élites sont confrontés à des faits susceptibles d’indiquer que le paranormal pourrait bien être une réalité, ils préfèrent nier ces faits plutôt que de remettre en question leurs théories—qui ne sont après tout que des hypothèses présentées comme des certitudes. L’enjeu de ce refus français pourrait donc être le maintien d’une orthodoxie, la protection d’une « bonne croyance » contre des découvertes jugées hérétiques et dangereuses.
Et au lieu d’adopter vis-à-vis de ces phénomènes une attitude de scepticisme ouvert, au lieu de chercher à en confirmer ou infirmer la véracité en les étudiant en laboratoire, l’attitude qui prévaut est celle d’un négationnisme systématique, l’objectif n’étant plus d’observer et de comprendre mais de discréditer. Ce négationnisme étant censé prouver que l’on appartient à la catégorie des esprits forts, ceux à qui « on ne la fait pas » , les individus éclairés et sérieusement informés par opposition à la plèbe ignorante et crédule. Or des études (Jones/1977) établissent que, loin d’être majoritairement des ignares et des simples d’esprit, les individus qui admettent l’existence de certains phénomènes paranormaux auraient un QI moyen plus élevé. « Le doute n’est pas le déni » distingue Méheust. Certes, et on peut aussi rappeler que le doute est une attitude intrinsèquement scientifique, en fait celle que doit adopter tout chercheur lorsqu’il se lance dans l’étude de phénomènes pas ou insuffisamment explorés. Alors que poser une conclusion avant même de commencer une recherche est anti-scientifique –et parfaitement irrationnel, même lorsque on prétend le faire au nom de la « rationnalité » : « lorsque la pensée commence par une conclusion, la pensée s’arrête » (Krishnamurti). Ce dont doit se garder le scientifique, c’est de la croyance ; or le déni a priori est une croyance : le sceptique n’affirme rien, le négationniste affirme. La mise à l’index de la métapsychique est donc bien antiscientifique.
Autre attitude anti-scientifique adoptée par ces soi-disant défenseurs de la rationalité scientifique contre le paranormal « obscurantiste » : quelle que soit la qualité et le nombre des preuves accumulées depuis des décennies attestant la réalité de ces phénomènes—et qui seraient considérées par eux comme probantes dans tout autre domaine d’études—ces preuves ne sont jamais prises en considération, jamais considérées comme valides ou suffisantes ; quoique les chercheurs versent au dossier, ce n’est jamais assez et il leur est demandé sans cesse de répéter une énième fois des expériences qui ont déjà été faites X fois avec des résultats ne laissant pas d’ambiguité sur la réalité de ces phénomènes.
Ceci de la part d’individus qui (par exemple) acceptent encore sans discuter la validité de postulats fondateurs de la psychanalyse qui n’ont pourtant jamais été démontrés ni prouvés. Clairement, on est ici dans le domaine de la croyance, une théorie pouvant être l’objet de croyance au même titre qu’un dogme religieux, et comme lui fournissant des cadres structurant la personnalité.
Il ne s’agit donc pas seulement d’engouement pour les théories marxistes ou freudiennes, il semblerait en fait que les Français soient des amateurs de théories, et aient par contre assez peu de considération et d’intérêt pour les faits—à moins qu’ils ne puissent les intégrer dans une théorie. Pour rester avec l’exemple du freudisme, on peut considérer que les intuitions théoriques de Freud sont souvent a priori, ses observations sur ses patient/es ne servant souvent qu’à conforter les thèses du maître, soit en ne retenant que celles qui vont dans le bon sens, soit en interprétant ces observations de façon orientée. Le cas du paranormal est inverse : une masse de faits dispersés, observés d’abord subjectivement, puis testés et retestés en laboratoire, la vaste majorité de ces recherches confirmant l’existence quantifiable et parfois la répétabilité de ces phénomènes, mais sans qu’aucun scientifique n’ait pu formuler de théorie explicative totalisante, ou même de modélisation conceptuelle limitée. En France, pas de théorisation = pas d’intérêt de la part des scientifiques, les Français privilégient l’élaboration théorique—la partie noble de la démarche scientifique– et ont tendance à considérer comme pédestre l’observation empirique des faits. C’est pourtant sur elle que doit reposer toute élaboration théorique, soit par la méthode inductive, qui va du particulier au général, soit que l’intuition théorique géniale se confronte à la vérification expérimentale. Pourtant, bien évidemment, le fait qu’on ne puisse pas rendre compte d’un phénomène par un modèle théorique n’implique en rien qu’il n’existe pas. D’autant que les théories scientifiques sur lesquelles se basent les sceptiques négationnistes pour justifier leur refus systématique d’envisager l’existence de ces phénomènes relèvent habituellement de conceptions scientistes matérialistes rendues caduques par les développements de la physique quantique – la seule qui puisse rendre compte de phénomènes non physiques/non locaux, comme ce qui relève de la conscience.
En gros, en France, la théorie est reine, elle est souvent ce qui est au départ d’une recherche, et sa confirmation en est l’objectif privilégié. Dans les pays anglo-saxons, il en va généralement autrement : les faits sont rois, les théories suscitent assez souvent la méfiance, de même que leurs proches parentes, les idéologies. En fait, les grandes théories développées par les penseurs et philosophes anglo-saxons sont paradoxalement des théories en quelque sorte « antithéoriques » en ce qu’elles affirment le primat de l’action et de ses effets sur l’idée abstraite. L’utilitarisme de Stuart Mill et de Bentham, au départ essentiellement une pensée de l’éthique, pose que la bonne façon d’agir est celle qui est la plus utile au plus grand nombre possible de gens. Autrement dit, la valeur d’une action ou d’un comportement n’est déterminée que par ses conséquences positives, et non par rapport à des critères, postulats ou jugements de valeur préétablis. La maxime suprême de cette approche philosophique est « whatever is expedient is right » : tout ce qui marche/qui est commode est bon. Du côté américain, on a le pragmatisme du philosophe William James (1842/1910) qui pose qu’une théorie, aussi séduisante qu’elle soit, ne doit se juger que sur ses conséquences pratiques. A l’opposé de la tradition cartésienne déductive, partant d’un postulat initial, les cultures anglo-saxonnes partent du concret, du particulier, de l’action, et s’écartent des idées abstraites et de l’intellectualisme.
L’acceptation relativement large du paranormal dans ces cultures s’explique sans doute par cette approche empiriste : la seule question à considérer étant alors: « le paranormal, est-ce que cela fonctionne ou pas ? ». Et c’est sur la base de ce critère que les phénomènes paranormaux ont été testés et retestés, avec un minimum d’idées préconçues, dans les laboratoires anglais et américains. Ce qui a permis d’établir que le paranormal « fonctionne », bien au-delà d’évidences purement subjectives ou anecdotiques, sur la base d’un ensemble de recherches accumulées depuis plus d’un siècle. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le père du pragmatisme, William James, professeur à Harvard et cité ci-dessus, a lui-même étudié certains phénomènes paranormaux comme la médiumnité, avec la collaboration du medium Leonore Piper, et est un des fondateurs de l’American Society for Psychical Research .
Il est également intéressant de noter que de nombreux businessmen issus de ces cultures– des banquiers, industriels, ingénieurs etc—censés être des esprits pratiques ne s’intéressant qu’aux profits financiers et aux résultats tangibles—se sont intéressés au paranormal et ont financé de telles recherches de leurs propres deniers. Citons par exemple l’anglais Arthur Findley , agent de change fortuné, un des organisateurs de la Croix Rouge, chevalier de l’ordre de l’Empire britannique, fondateur de l’International Institute for Psychical Research à Glasgow en 1920, qui a légué sa magnifique demeure de Stansted Manor à la recherche paranormale, ce château abritant depuis le British College of Psychic Studies qui reçoit chaque année des centaines d’étudiants venus étudier ces questions sous la direction de professeurs, mediums et chercheurs chevronnés.
Du côté américain, citons George Meek, ingénieur et industriel qui s’est intéressé à l’EVP (Electronic Voices Phenomenon, la communication avec les morts), a conçu des appareils électroniques (Spiricom) pour faciliter ces contacts et a financé diverses recherches dans ce domaine avec sa fortune personnelle ou encore Robert Bigelow, riche businessman basé à Las Vegas, qui a financé les recherches de Charles Tart (lui-même formé au prestigieux Massachusetts Institute of Technology) sur les états de conscience modifiés et la psychologie transpersonnelle. Ou Chester Carlson, l’inventeur de la machine à photocopier Xerox, qui a subventionné les recherches de J. B. Rhine avec une partie de la fortune que lui a valu son invention.
Dans ce pays, il n’est pas rare que des hommes d’affaires fassent appel à des mediums réputés, testés et évalués par des chercheurs (ce qui évite de tomber sur des charlatans), pour prendre une décision importante. Il est aussi assez fréquent que des policiers enquêtant sur des affaires criminelles, en particulier impliquant la disparition de personnes, fassent appel à des mediums—c’est le cas d’Alison Dubois, et de bien d’autres. En France, ce n’est pas entré dans les mœurs. De même, en France, à part le laboratoire d’Yves Lignon à Toulouse, fermé maintenant, il n’y a eu aucun département universitaire consacré à la recherche parapsychologique. Alors que, pour donner un élément de comparaison chiffré, il y en a 8 sur un total de 44 universités en Grande-Bretagne dont le Koestler Parapsychology Unit de l’Université d’Edimburgh : http://www.koestler-parapsychology.psy.ed.ac.uk/
Cette absence notoire des universités françaises dans ce type de recherches indique t’elle un niveau particulièrement avancé de la recherche scientifique en France, ou au contraire un retard du à certains conformismes et certaines rigidités structurelles et conceptuelles ? L’intérêt des établissements d’enseignement supérieurs anglo-saxons et des chercheurs qui y exercent pour ces sujets reflète t’il un manque de rigueur, la crédulité, ou au contraire une attitude essentiellement rationnelle posant qu’il n’est pas scientifique de nier la réalité de certains phénomènes sans même les avoir étudiés ?
On constate que élites françaises sont extrêmement longues à renoncer à des théories largement obsolètes que le monde anglo-saxon a abandonnées depuis longtemps–comme le freudisme–ou n’a jamais vraiment acceptées, comme le matérialisme marxiste. Et même quand ces élites prennent leurs distances par rapport à ces théories dominantes il y a une cinquantaine d’années, l’ostracisme envers le paranormal lié à la diffusion de ces théories persiste néanmoins.
Selon le professeur Moser, physicien, « la physique des quantas a changé l’image mécanique du monde. Elle a créé une nouvelle image du monde qui rend admissible, sur une base logique et scientifique, des phénomènes inexplicables ». Et en effet, les « anomalies » paranormales qui violent les principes de la physique Newtonienne correspondent par contre assez exactement aux découvertes fondamentales de la physique quantique (non localité, interdépendance sujet/objet, non matérialité, interconnection etc). Il serait temps que la France cesse d’être un des seuls pays développés où le paranormal reste un no mans land pour la recherche et où soit reconnu le fait que ces développements récents des sciences physiques, loin d’infirmer la réalité de ces phénomènes, débouchent au contraire sur une troisième voie intégrant science et paranormal.
Bertrand Méheust, « Devenez savant, découvrez les sorciers »
Site MentalFloss : http://www.biomindsuperpowers.com/Pages/CIA-InitiatedRV.html
Hasard, mathématiques et voyance, par Yves Lignon
« Il m’est arrivé d’être dérouté par les réactions de personnes m’ayant demandé de leur présenter un cas propre à lever le moindre doute sur la réalité de la voyance. Après avoir présenté quelque dossier classique ou bien l’une de mes propres observations, j’ai souvent du faire face à une réaction très directe du genre : « Mais après tout, il ne s’agit peut-être que d’une coïncidence, d’un effet du hasard ». Le hasard a les épaules larges mais il ne constitue pas toujours la bonne explication. Essayons de comprendre pourquoi. C’est bien le hasard qui fait que telle boule plutôt que telle autre s’échappe de la machine du Loto National. Nous connaissons le fonctionnement de l’appareil qui a été construit de manière à nous rendre totalement incapables de connaître à l’avance le résultat du tirage. Le hasard ici est une certitude parce que nous savons comment les choses se passent et pourquoi chaque boule a le même nombre de chances de sortir.
Donc si quelqu’un décrit par le detail et à l’avance un événement de la vie publique ou privée, parler de hasard à ce propos revient à affirmer que celui (ou celle) qui s’est exprimé aurait eu exactement le même nombre de chances de raconter n’importe quoi d’autre. Seulement, dans ce cas, nous ignorons tout du mécanisme qui est intervenu et le hasard n’est donc plus maintenant qu’une hypothèse, une hypothèse qui, justement parce que le concours de circonstances échappe à notre raison et à notre savoir, est souvent mise en avant de manière fort peu rationnelle : c’est effectivement, à partir de prejugés éducatifs ou culturels que l’on veut à tout prix que l’hypothèse du hasard soit la bonne mais il n’est pas question de démonstration. Dans le cas du Loto, on peut prouver que la boule numéro 10 n’est pas plus favorisée que n’importe quelle autre ; dans le cas où quelqu’un annonce un tremblement de terre qui se produit effectivement, on ne peut pas prouver qu’il aurait pu tout aussi bien prédire en se trompant la démission d’un ministre.
Un peu de culture mathématique suffit pour mettre le hasard en formules (par exemple pour le Loto National ces formules sont données par ce que nous autres les statisticiens nommons la loi uniforme de probabilité). Et puisqu’on dispose de formules, il est par conséquent possible de savoir si oui ou non le hasard seul est intervenu. A ce moment, il ne s’agit plus d’exprimer un souhait inconscient ou une simple impression mais d’effectuer des calculs et de s’incliner devant la force de leurs résultats.
C’est donc, n’en déplaise aux apparences, aux rassurantes idées reçues et aux a priori philosophiques inavoués, parce que les calculs ont conduit à rejeter l’hypothèse du hasard que la voyance est devenue un objet d’études scientifiques.
« Là où, par le passé, la science a servi à ériger un nouveau dogmatisme, ce dogmatisme s’est, à son tour, avéré incompatible avec l’évolution de la science ; et finalement, le dogme a cédé ou la science et la liberté ont péri ensemble ». J. Robert Oppenheimer. »
Institut Métapsychique International (IMI), par Mario Varvoglis
« L’Institut Métapsychique International (IMI), Fondation reconnue d’utilité publique, est, depuis 1919, le principal centre français de recherches scientifiques en parapsychologie.
Né à l’initiative du professeur Santoliquido, ex-directeur du Service de Santé italien, et du médecin français Gustave Geley, financé grâce au soutien généreux de Jean Meyer, l’Institut a pris un rapide essor dans les années 1920. Des scientifiques de renom s’y sont associés (le prix nobel Charles Richet, Jean Jaurès, le philosophe Henri Bergson, l’astronome Camille Flammarion, le philosophe Gabriel Marcel, Teilhard de Chardin, entre autres) et des enquêtes et expériences ont été entreprises, comme celles du Dr. Geley avec les médiums Frank Klusky et Jean Guzik, ou celles du Dr. Eugène Osty avec Rudi Schneider. Plus tard, des recherches dans le domaine de la télépathie ont été réalisées par l’ingenieur René Warcollier ; investigations qui seront reprises dans les années 70-80 par le gouvernement américain, dans le cadre du célèbre projet “Stargate”. Dans les années cinquante, des difficultés financières ont obligé l’Institut à abandonner ses locaux de l’avenue Niel, où se trouvait son laboratoire de recherche, et à aménager dans des locaux plus modestes place Wagram, où l’Institut se trouve toujours. Pendant les décennies qui ont suivies, l’IMI s’est concentré surtout autour d’activités culturelles et éducatives (conférences, etc), et sur des recherches théoriques.
Aujourd’hui, une nouvelle équipe est en place composée de membres représentant différentes disciplines scientifiques (médecine, psychiatrie, anthropologie, ingénerie, sciences cognitives…). L’Institut reprend sa mission du départ, et se fixe comme objectif de faire renaître en France une recherche multidisciplinaire sur la nature de la conscience et des phénomènes psychiques ainsi que la mise en valeur et l’exploitation de son patrimoine et de son histoire. Pour ce faire, l’Institut collabore à différents programmes de recherches internationaux.
Des liens ont été renoués avec les principaux centres de recherche en parapsychologie en Europe (chaire Koestler de parapsychologie à l’université d’Edimbourg, chaire Koestler de parapsychologie à l’université d’Utrecht, Institut de Fribourg en Allemagne) et aux États-Unis, notamment le laboratoire PEAR de l’université de Princeton. »
Recherche en parapsychologie, par Mario Varvoglis
« Après un siècle de réductionnisme, la science transcende enfin les tabous. Elle semble prête à examiner le problème fondamental de la conscience dans son interaction avec la réalité physique.
Ces dernières années ont vu une augmentation frénétique du nombre de congrès scientifiques internationaux, de livres et d’articles consacrés à l’énigme de la conscience. Or la parapsychologie est de plus en plus intégrée dans cette recherche pluridisciplinaire et il est souvent fait référence à ses expérimentations ; ceci montre clairement qu’elle a sa place à prendre dans ces nouvelles sciences de la conscience. La parapsychologie a en effet une compréhension unique de l’interaction esprit/matière – interaction qui a toujours occupé une place fondamentale son domaine de recherche. En s’alliant ainsi aux chercheurs en sciences cognitives, aux physiciens et aux neurobiologistes, dans les débats sur la nature de l’esprit, la parapsychologie a dépassé le seuil académique du scepticisme et de l’hostilité : elle a enfin acquis sa légitimité scientifique.
Mais ce n’est pas seulement le climat scientifique général qui est aujourd’hui plus ouvert à la recherche psi. La parapsychologie elle-même a évolué, comme le montrent clairement ces quelques recherches menées ces trois dernières années :
*L’Université d’Édimbourg, en Ecosse, vient de finir une expérimentation, parmi les mieux contrôlées qui soient, sur la télépathie et les états modifiés de conscience. Les chercheurs obtinrent de très forts résultats, mettant en évidence la réalité psi ; mais ils confirmèrent aussi une découverte antérieure, à savoir que les individus très créatifs (les artistes par exemple) ont des capacités psi supérieures à la moyenne de la population.
* Aux Universités d’Utrecht et d’Amsterdam (Hollande), et de même à l’Université du Nevada (USA), des expérimentations ont révélé que les êtres humains peuvent pressentir qu’ils vont être confrontés à un événement émotionellement choquant. Voici comment cette expérience se déroule : Les sujets sont connectés à des capteurs physiologiques (similaires à ceux des détecteurs de mensonge) et sont placés devant un écran. Ils sont alors exposés soit à des images neutres (un papillon …), soit à des images violentes (un homme se faisant poignarder… ). Les sujets n’ont aucun moyen logique de savoir à l’avance quel type d’image va apparaître, car les cibles sont sélectionnées de façon aléatoire par l’ordinateur. Et malgré cela, la mesure physiologique montre un pic abrupt et très marqué juste avant qu’ils soient exposés aux images choquantes, alors qu’il n’y a aucun pic de cette nature lorsque les images vont être neutres. Ces expérimentations, dites « de pressentiment » suggèrent que l’intuition (ou ce que l’on appelle » sentir dans ses tripes « ) aurait ses racines dans l’inconscient : celui-ci pourrait recevoir une information venant du futur proche et la traduirait alors en réactions physiologiques.
* A la Mind Science Foundation, et plus récemment à l’Institut de Noetic Sciences, les chercheurs ont prouvé que des individus (les agents) peuvent modifier à distance la physiologie d’autres individus (les sujets), simplement en se concentrant mentalement sur leurs images visionnées à travers un circuit vidéo fermé. Ces expériences dites de « regard à distance » font partie d’un domaine de recherche plus large qui étudie l’influence mentale des êtres humains sur les systèmes vivants à distance. Elles sont les équivalents scientifiques de ce que l’on appelle la guérison psychique.
* Par ailleurs, la guérison psychique a fait l’objet d’une autre expérience récemment publiée, montrant que des malades du Sida ont vu leur santé s’améliorer de façon tangible lorsque des guérisseurs se concentraient sur eux à distance (par la prière ou la méditation). Quarante patients à un stade avancé de la maladie ont été répartis au hasard soit dans un groupe contrôle soit dans un groupe expérimental de guérison. Un grand nombre de guérisseurs d’obédiences très variées (christianisme, bouddhisme, chamanisme, etc.) ont envoyé des pensées de guérison au groupe expérimental, et ceci pendant dix semaines. Ni les patients, ni les scientifiques menant cette étude ne savaient qui était dans un groupe ou l’autre ; on ne leur révéla qu’une fois toutes les données rassemblées. En comparaison avec le groupe contrôle, les patients traités ont attrapé beaucoup moins de maladies (et elles étaient beaucoup moins graves) ; ils ont eu nettement moins besoin de visites médicales ou d’hospitalisations ; et bien sûr leur moral s’était énormément amélioré.
Les preuves en faveur de la réalité des phénomènes psychiques n’ont jamais été aussi fortes – tant en termes de nombre d’expérimentations que de leur qualité. Aussi, les phénomènes psi étudiés en laboratoire sont de plus en plus pertinents par rapport à ceux vécus spontanément dans la vie réelle. Des recherches comme celles que je viens de citer sont non seulement très significatives d’un point de vue sociologique et psychologique, elles sont aussi d’une importance théorique fondamentale. Il n’est donc pas surprenant, malgré des fonds généralement limités, que le champ de la parapsychologie continue de s’étendre dans le monde. Alors que les Etats-Unis sont restés le leader de ce champ depuis plus de cinquante ans, des centres (universitaires ou privés) de recherches commencent à apparaître partout dans le monde : en Europe (Allemagne, Hollande, Angleterre, Ecosse, Suède, Portugal, Espagne et Italie), en Amérique Centrale et du Sud (Brésil, Argentine, Chili, Mexique, Portugal) et même en Asie (Chine et Japon).
Bien qu’il ait été par le passé assez difficile d’obtenir des cours de parapsychologie dans les universités, cette dernière décennie la tendance s’est nettement inversée. Certaines universités américaines et européennes proposent non seulement des cours mais des diplômes en parapsychologie, et de plus en plus d’étudiants s’y s’intéressent. De fait, certains départements (comme la Chaire de parapsychologie de l’Université d’Édimbourg) sont obligés de refuser des étudiants en doctorat, faute de fonds suffisants pour gérer tant de demandes.
L’Internet joue un grand rôle aussi. Il existe aujourd’hui des cours accrédités sur l’Internet, proposés par exemple par l’Université d’Amsterdam ou le Collège Franklin Peirce aux USA. Dans les forums online, physiciens, ingénieurs, psychologues et biologistes débattent de questions très pointues sur les recherches récentes et les théories. Plusieurs laboratoires proposent des expérimentations psi online et encouragent la participation d’un vaste public. Ainsi, l’expérience du « Global Consciousness Network » (Réseau de conscience globale), menée conjointement par l’Université de Princeton et l’Université d’Amsterdam, explore l’hypothèse de. la conscience collective en utilisant l’Internet pour collecter des données en provenance de toute la terre.
Alors, où se situe la France dans tout cela ? Malheureusement, nous sommes loin, très loin derrière. Il est vrai que quelques rares étincelles sont apparues ces dix dernières années – l’investigation menée par René Péoc’h sur le psi animal, celles conduites et financées par la Fondation Odier en Suisse, et les efforts engagés par le groupe d’Yves Lignon à l’Université de Toulouse. Cependant, il nous faut constater que la recherche active dans les pays francophones est généralement isolée, désorganisée et sporadique.
Quant aux programmes d’éducation et d’information sur la recherche psi, la situation est encore pire. Aux USA les scientifiques (pour ou contre) débattent de points subtils concernant la méthodologie, les statistiques ou encore des questions pointues d’épistémologie. En France, au contraire, le débat semble être mené exclusivement à travers les médias et met en scène des confrontations inintelligentes et sans fondement entre les hyper-croyants d’un côté, et les rationalistes les plus extrêmes de l’autre – toutes ces instances s’appliquant à confondre notre champ de recherche avec les OVNIS, l’astrologie, le triangle des Bermudes, et le monstre du Loch Ness. Pour une nation qui revendique à raison un rôle prédominant dans la science et l’éducation, le pauvre niveau de sophistication dans tout ce qui concerne les recherches sur le mental, la conscience et le psi est vraiment embarrassant.
Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. A l’époque où l’IMI a été lançé par des scientifiques aussi éminents que Charles Richet, Gustave Geley, Camille Flammarion et Henri Bergson, la recherche psychique française était un partenaire majeur, de force égale aux autres grands joueurs tels que les Sociétés pour la Recherche Psychique d’Angleterre, des Etats-Unis, et d’Allemagne. Jusqu’à la fin des années cinquante, avec les investigations sur la télépathie de René Warcollier et ses collègues, l’Institut était encore synonyme de recherche de pointe – à tel point que deux décennies plus tard, cette recherche était reprise et amplifiée par la CIA et d’autres agences américaines du renseignement, dans leur programme Stargate. Mais depuis ce temps, la France a été largement reléguée hors du jeu.
Nous espérons changer tout cela : l’IMI est aujourd’hui à nouveau sur ses pieds.
Son passé et sa notoriété, mais surtout l’énergie déployée par les membres de son nouveau Comité Directeur et leur implication, sont des signes très prometteurs. Avec l’aide et la générosité de tous ceux qui s’intéressent à l’exploration des potentiels mentaux, l’IMI va pouvoir à nouveau faire bouger les choses ici en France et dans les pays francophones.
Je pense que nous partageons tous la responsabilité de poursuivre cette recherche unique, qui est peut-être la seule science actuelle visant la compréhension de ce qu’est l’esprit au sens large, au-delà de la machine-cerveau, et l’exploration de ses capacités énigmatiques. »
Voyance : point de vue de la parapsychologie scientifique et réalité sociale, février 2000, par Pascale Catala
» De tout temps on a noté des événements étranges où certaines personnes semblaient disposer d’informations qu’il leur aurait été impossible d’acquérir selon les moyens habituels (les cinq sens par exemple), et qui pouvaient même se rapporter au futur. Les parapsychologues scientifiques ont recensé au cours du vingtième siècle des dizaines de milliers de cas de cette sorte, et notamment Louisa Rhine, chercheur américaine de la Duke University, qui publia un fameux recueil de cas : « Hidden Channels of the Mind ». Un exemple parmi tant d’autres de ce recueil : un responsable d’une société de récupération de métaux a un rêve prémonitoire alors qu’il est en vacances. Il voit un accident où une grue bascule dans un fleuve, et où le grutier parvient à sauter in extremis. Le lendemain, de retour à son travail, il apprend que l’accident s’est produit deux heures après le rêve. Les probabilités pour que ce rêve soit une simple coïncidence sont infimes. Joseph B. Rhine, l’époux de Louisa Rhine, a lui mis au point des méthodes expérimentales strictes permettant de mettre en évidence ce type de phénomène, mais cette fois en laboratoire et à l’aide de traitements statistiques élaborés. Par exemple, il demandait à un sujet de deviner l’ordre des cartes d’un jeu de cartes spécial. Parfois les résultats étaient très significativement meilleurs que ce que le hasard seul aurait pu produire, les sujets avaient donc manifestement eu « une voyance ». Les parapsychologues scientifiques ont distingué plusieurs types de phénomènes : la télépathie, communication de pensées directe entre deux ou plusieurs personnes. La clairvoyance, acquisition d’informations relatives à un lieu, un objet, un événement, une personne, sans qu’il y ait médiation sensorielle. La précognition, connaissance d’événements futurs. Dans la pratique ces phénomènes se chevauchent et ont été rassemblés par Rhine sous le nom d’ESP (Extrasensory perception). Rhine a donc démontré expérimentalement l’existence de l’ESP. On pourra se référer à l’un de ses ouvrages, traduit en français : « La double puissance de l’esprit ». Après les travaux de Rhine, des milliers d’expériences ont été refaites avec bon nombre de réussites, et publiées dans des ouvrages ou revues spécialisées (ASPR, Journal of Parapsychology …) Cependant, un des résultats les plus intéressants concernant l’ESP est que ce phénomène ne s’obtient pas à volonté. On ne peut donc jamais garantir qu’il va y avoir un bon score au test, ou que tel sujet va réussir à tout coup une voyance. On verra dans la suite l’importance de cette découverte. Des voyants célèbres. Stéphan Ossowiecki et Ludwig Kahn, étudiés par des scientifiques dans les années 20, avaient comme le célèbre « somnambule » Alexis Didier, la faculté incontestable de lire des feuilles contenues dans des enveloppes cachetées. Ces cas ont été exposés en détail dans un livre de Robert Tocquet. Gérard Croiset, dans les années 70, était célèbre pour sa possibilité de retrouver des personnes disparues, et il a même collaboré avec la police. Georges Bellerive a été étudié par l’équipe universitaire de François Laplantine (voir leur ouvrage « Un voyant dans la ville »). Aujourd’hui, Maud Kristen anime un site internet pour informer sur la voyance : https://www.maudkristen.com Les scientifiques ayant étudié la voyance ont été nombreux depuis la fin du 19ème siècle. Néanmoins, peu d’hypothèses théoriques ont pu être avancées. On peut citer parmi elles la théorie des « scopèmes » de Elisabeth Laborde-Nottale (cf « La Voyance et l’Inconscient »). Les voyants dans la société. Il existe aujourd’hui des « professionnels de la voyance », qui affirment avoir des dons de voyance et pouvoir connaître des informations sur leurs clients et sur des événements futurs. Certains de ces professionnels se font payer très cher, jusqu’à 50 000 F la série de consultations, comme l’a avoué une voyante dans une émission télévisée de Mireille Dumas. Dans la plupart des « salons de la voyance » où sont réunis de nombreux praticiens, le prix de la consultation tourne aux alentours de 300 à 500 F. Dans la pratique, les voyants professionnels alternent télépathie, clairvoyance, précognition (c’est-à-dire ESP en général), astuces, et simples conversations ou écoutes. Si l’on se réfère au seul résultat scientifique précité, à savoir que nul ne peut être certain à l’avance de réaliser une véritable voyance, on peut donc en conclure que faire payer de telles consultations relève bien souvent de l’escroquerie. Particulièrement douteuses à cet égard (et à considérer avec méfiance) sont en particulier les publicités pour des voyances téléphoniques 24h sur 24 ou pire par minitel : la plupart de ces consultations sont faites par des personnes n’ayant aucune faculté particulière. Cependant il faut nuancer cette position par un point de vue psychologique. Le service que le consommateur achète n’est pas forcément de la voyance pure, car la plupart des clients recherchent avant tout une écoute et du conseil. En ce sens ils sont prêts à payer (cher) une consultation pour cela, et ne se sentent pas « arnaqués ». Comme l’a souligné Mr P. Gonzales (Direction générale de la répression des fraudes) dans l’émission télévisée précitée, on ne peut considérer qu’il y a escroquerie qu’à partir de moment où il y a plainte du client, et il y a en fin de compte peu de plaintes. Les techniques des voyants pour simuler une voyance sont multiples : ils peuvent deviner des détails grâce à des indices verbaux ou non verbaux, par ex. le style de vêtements d’un client ; ils peuvent soutirer des informations aux consultants et leur redonner plus tard ces informations sans que les clients aient conscience que ce sont eux qui ont donné les renseignements ; ils peuvent se renseigner à l’avance sur leurs clients, grâce aux annuaires ou autres astuces ; ils peuvent reformuler le discours du consultant en lui disant exactement ce qu’il a envie d’entendre ; ils peuvent prédire des événements ayant une très grande probabilité d’arriver ; ils peuvent suggestionner le patient pour le pousser à agir dans un sens qui réalisera la prédiction (prédictions auto-réalisatrices)… Et bien sûr, si quelques bribes de voyance pure viennent s’insérer, l’effet produit sera d’autant plus convaincant. Le point de vue sociologique. Chômage, crise, violence, solitude affective, délinquance etc … forment le lit d’un malaise social qui en pousse beaucoup à chercher aide et réconfort chez les voyants. D’autant plus qu’en France, le recours à des professionnels de la psychologie et de la psychothérapie lors de problèmes existentiels est très peu entré dans les mœurs (le grand public ne connaît que les psychanalyses, réputées longues et extrêmement coûteuses). D’autre part, la désaffection des institutions religieuses et notamment la quasi-disparition des pratiques de « confession » laissent la personne seule face à son malaise social, à son mal de vivre, à ses problèmes moraux, à ses choix. Il apparaît donc un besoin intense à la fois d’écoute, de prise en charge individualisée, et aussi de « guidance », de conseil psychologique. Les consultations de voyance, d’un coût relativement modique à la base, et sans engagement, semblent représenter aux yeux du grand public des offres attrayantes à cet égard. Le point de vue psychologique. Quelles sont les motivations les plus courantes des clients des voyants ?
La curiosité, l’amusement, le goût pour les choses mystérieuses le besoin d’écoute, de sympathie, de prise en compte de son individualité, ou même un besoin narcissique la désespérance devant une situation bloquée et le besoin vital de regagner une lueur d’espoir
l’hésitation devant un choix de vie (amour, santé, travail, argent) le besoin de compréhension d’une situation délicate où on a l’impression d’ »être perdu », d’ignorer des détails importants pour pouvoir mettre du sens sur les événements l’envie de reprendre le contrôle sur le déroulement de son parcours de vie.
Aller voir un voyant n’est pas un acte anodin, même si la motivation est la simple curiosité. Il ne faut pas oublier que le ressort le plus efficace de la consultation de voyance reste encore la suggestion, et que la suggestibilité est très importante chez chacun de nous, beaucoup plus qu’on ne le croit. Les motivations des voyants, elles, peuvent être très diverses selon les individus :
gagner sa vie en aidant, soulageant les clients avoir un emploi très lucratif sans aucune formation préalable exercer un certain pouvoir sur les gens, en les effrayant ou les impressionnant, ou en les persuadant qu’ils ont absolument besoin de vous. Exercer une pratique que l’on se sent prédestiné, appelé à exercer depuis toujours.
En interprétant un vécu, le voyant redonne un sens aux événements du patient. Celui-ci est dans un état de soumission qui le rend plus perméable à la suggestion. Quand un voyant effectue une voyance, il s’identifie plus ou moins à son patient, ce qui lui permet de le « sentir » et de deviner des choses à son sujet. Mais le processus d’ESP véritable demande une grande dépense d’énergie de la part du voyant, et le fragilise également. C’est pourquoi les voyants qui font des « vraies voyances » ne peuvent travailler à la chaîne et donc prennent peu de clients et font payer cher la consultation. Le prix élevé d’une consultation n’est par conséquent pas forcément un indice de charlatanisme (mais pas non plus une garantie de « sérieux »). Voyance et arnaques. Bien évidemment, il n’existe pas actuellement de diplôme de voyance, n’importe qui peut s’intituler voyant. On a vu précédemment combien il fallait se méfier des voyances par minitel. Il peut arriver qu’un client soit en telle dépendance psychologique qu’il en arrive à dépenser une fortune en consultations. Mais la plupart des « arnaques » à la voyance sont en fait des extorsions de fonds en échange de magie ou de sorcellerie (même si les termes ne sont pas prononcés). La sorcellerie ou l’influence psychologique sur des personnes distantes n’ont rien à voir avec l’ESP et n’ont pratiquement pas été étudiées scientifiquement. Elles sont principalement basées sur la croyance ou les pratiques traditionnelles (marabouts africains). En sciences humaines, les rares études sur la sorcellerie (voir J. Favret-Saada) ou la magie (« Guérir l’âme et le corps », dirigé par P. Wallon), ont surtout mis en évidence des processus de suggestion mentale. De toute façon ces pratiques, hors de leur contexte traditionnel, sont extrêmement déstabilisantes au niveau psychologique, et mettent le client dans un état de vulnérabilité absolue. Il paraît donc prudent d’éviter soigneusement toutes promesses de « retours d’affection », « exorcismes », « levés de sort », « désenvôutement » etc. Les bons voyants … et les autres. Les « rationalistes » crient au scandale, à l’arnaque, et fustigent toute la profession. Il faut pourtant admettre, d’une part le besoin social, et d’autre part qu’il existe de bons voyants, des professionnels qui apportent vraiment un soutien et une aide à leur clients, qui savent accueillir une souffrance ou un désespoir, qui savent remettre sur les rails des personnes « déboussolées » … Ainsi je soutiens que le bon voyant n’est pas seulement celui qui obtient des performances au niveau voyance. Il est avant tout celui qui, par ses qualités humaines, son bon sens, son intuition, peut entrer en sympathie avec son client et l’aider à évoluer ou à traverser un cap difficile. Les sujets qui ont des dons de voyance extrêmement développés ne sont pas forcément des personnes équilibrées capables d’aider leur prochain. Au contraire, bien souvent ce sont des personnalités perturbées, déstabilisées par leur faculté à capter des événements parfois dramatiques, et qui rentrent tellement en empathie avec les autres qu’elles ont du mal à trouver leur propre individualité. La démarche qui conduit à commercialiser ce « don » est également un processus long et difficile à accepter. Etre un « bon voyant » ne va donc pas de soi, même si on est honnête, que l’on n’ambitionne pas d’exploiter la crédulité et la misère humaine, et que l’on a souvent des voyances ou des intuitions par rapport aux gens. La manière d’effectuer des prédictions ou des révélations est très importante. Par exemple : « méfiez-vous des trains, je vois un accident » risque d’angoisser le client, de lui donner une véritable phobie des trains. Comme le danger est difficile à circonscrire et donc à éviter, cette prédiction est inutile et alarmante. Par contre, « Evitez de prendre le train la semaine prochaine » est une phrase qui peut provenir d’une prémonition prophylactique, c’est-à-dire que cette déclaration permettra éventuellement d’éviter un accident, tout en ne terrorisant pas le client. La prédiction ne doit jamais être présentée comme inéluctable, mais comme une proposition à accepter en cas de « résonance intérieure ». Parfois le voyant parvient, en touchant des profondeurs inconscientes, à dénouer une situation psychologique bloquée, à briser le cercle vicieux des répétitions d’échecs. Le voyant ne doit pas projeter ses propres problèmes sur la problématique du client, et savoir résister à la tentation, toujours grande, d’exercer un pouvoir sur lui. Un bon voyant est également celui qui sait ne pas créer de dépendance psychologique chez son client, lui donner juste la petite poussée nécessaire à son évolution mais le laisser ensuite poursuivre son parcours de vie de manière autonome. Le choix du voyant est donc crucial, et nous ne saurions trop vous conseiller de vous renseigner à l’avance avant de prendre rendez-vous avec une voyante ou un voyant. Conclusion. L’existence du phénomène de voyance a été mis en évidence scientifiquement. Aucun voyant ne peut prétendre avoir à chaque consultation une voyance qui se révélera exacte. Certains « voyants professionnels » ont de très bonnes facultés de voyance, d’autres n’en ont aucune. Cependant, et surtout pour les personnes en état de fragilité psychologique, le bon voyant sera avant tout celui possédant de bonnes qualités humaines et désireux réellement d’aider son prochain. Etant donnée l’influence qu’un voyant peut avoir sur chacun d’entre nous, il ne faut pas mésestimer l’importance du choix du voyant. «
Références des ouvrages cités :
Laborde-Nottale Elisabeth. »La voyance et l’inconscient », Paris : Seuil, 1990. Laplantine François, collectif. « Un voyant dans la ville », Paris : Payot, 1985. Rhine Joseph Banks. »La double puissance de l’esprit », réed. Paris : Payot, 1979. Rhine Louisa. »Hidden Channels of the Mind », New York : William Morrow, 1961. Tocquet Robert. »Les pouvoirs secrets de l’homme », Paris : J’ai lu, 1963. Wallon Philippe, collectif. « Guérir l’âme et le corps », Paris : Albin Michel, 2000.
ETHNOLOGIE
Diagnostic ou divination, Extrait de Médecins et Sorciers, par Tobie Nathan & Isabelle Stengers
« Dès le premier instant de l’acte thérapeutique, le » maître du secret » peuple le monde. Il n’interroge pas le » malade » mais les objets reliés à l’univers caché – il interroge le sable, les coquillages, le chapelet de noix de palme, le Coran… Quelques fois, il lui suffit seulement de » voir » grâce à un » don « .
Voyons, m’interromprait sans aucun doute mon critique, vous ne croyez tout de même pas aux tireuses de cartes et autres voyantes ?
Pas si vite, pourquoi voulez-vous déjà jeter l’anathème ? Attendez ! Laissez-moi développer mon idée… Si l’on se soumet à ce type d’investigation que vous semblez mépriser, le désordre est alors nécessairement perçu d’une certaine manière. Il devient signe, par conséquent obligation de s’intéresser à la richesse du monde, à la multiplicité des êtres qui le peuplent. Dans ces mondes, le désordre se révèle toujours noeud de communication, croisement des chemins, là où, précisément, les univers se superposent… Ah, mon ami ! Il vous faut supprimer de votre vocabulaire le mot » croire » ou » croyance « . je peux vous l’assurer : nul ne croit en rien, et nulle part ! Un dispositif divinatoire est toujours un acte de création. Il institue, rend palpable puis pensable l’interface des univers. Alors, continuez vous tout de même à vous représenter ces systèmes comme des pensées naïves, basées sur la crédulité » infantile » de peuples ignorants ? Pour ce qui me concerne, je pense plutôt qu’il s’agit de déclencheurs d’une machinerie étonnamment complexe destinée à créer des liens, un art consommé de la multiplication des univers. Car de telles interrogations, essentiellement tournées vers le caché, déplacent l’intérêt placé sur le malade (comme partout prêt à être stigmatisé). Elles le déplacent :
1. vers l’ » invisible « ,
2. de l’individuel au collectif,
3. du fatal au réparable.
Mais pour cela, il faut encore qu’existe un monde caché, un monde secret, seulement connaissable par les Maîtres du secret.
Le savant, en revanche, vous le savez, interroge les symptômes, naturellement par l’intermédiaire du malade lui-même, car aucune maladie n’échappe au seul univers réel – celui décrit pas la psychopathologie universitaire.
J’ai récemment découvert que la recherche scientifique ne cherche jamais à découvrir les mondes, elle tend seulement à étendre le sien. dans notre univers, s’il peut arriver exceptionnellement arriver que l’on pense qu’un désordre n’est pas connu, on le sait potentiellement connaissable. peut-être la savant le découvrira-t-il un jour et lui donnera-t-il son nom ? » Maladie de Charcot « , » Syndrome de Bleuler « …
C’est pour cette raison que tous les mondes culturels à univers multiples recourent à la divination, tous ceux à univers unique au diagnostic. »
La voyance comme fabrication de destin, par Philippe Lacaze
« Cinq ans avant de naître, j’étais déjà né par la grâce d’une cartomancienne qui l’avait annoncé à ma mère laquelle, sceptique, se dépêcha de l’oublier car tel n’était point son projet à l’époque !
Etait-il écrit que je doive m’intéresser à la voyance ?
Mon point de vue sur la question n’est plus de prouver l’existence de ces phénomènes subtils ou de l’expliquer comme ont tenté de le faire certains scientifiques.
Une consultation avec Maud Kristen acheva de me montrer qu’il est possible de voir le passé ainsi que le présent. Je me rappelle avec souffrance comment elle décrivit précisément le caractère autoritaire de ma mère à mon égard, les circonstances exactes de son cancer et de sa mort, et jusque dans ma vie présente les chaussettes qui séchaient sur ma corde à linge ! Elle voyait défiler le cinéma de ma vie dont elle savait restituer et interpréter avec justesse les images importantes.
Il me semble néammoins que les arts divinatoires ne peuvent et ne doivent se réduire à une lecture du destin humain, aussi passionnante soit-elle.
La voyance comme fabrication de destin
J’ai constaté en effet, à l’occasion de mes recherches, que les consultants des voyants sont le plus souvent des patients en souffrance, en attente d’une solution à leurs problèmes d’ordre familial, sentimental, professionnel ou médical.
Il y a ainsi une demande qui est implicitement thérapeutique, comparable à celle que l’on adresse à un psychologue ou à un psychiatre. Le devin se doit d’y répondre en professionnel, réparateur des désordres qui menacent la vie.
C’est dans cette intention de » soigner » qu’il se doit de sélectionner et interpréter les informations qui lui sont » données » sur le consultant.
C’est à ce moment-là que le voyant joue un rôle actif qui peut modifier favorablement les tendances néfastes qui déterminent son patient. Si » les astres inclinent mais ne déterminent pas « , il est possible de changer cette inclination. Le voyant devient alors médiateur entre notre monde et un autre monde, invisible dont il connaît l’accès secret. Il incarne ce monde subtil qu’il fait fonctionner de manière cohérente et concrète, dont il prouve l’efficacité de son utilisation dans la vie quotidienne.
Nous comprenons ainsi pourquoi le recours à des esprits ou des divinités peut être d’une si grande utilité lorsque le » médium » se fait leur porte-parole crédible et convaincant.
C’est une pratique habituelle dans nombre de cultures traditionnelles (au Maghreb, en Afrique noire notamment) comme l’a démontré Tobie Nathan, professeur de psychologie à l’université de paris VIII, et cette discipline nouvelle qu’on appelle l’ethnopsychiatrie.
Dans notre culture occidentale, l’ethnologue Serge Dufoulon illustre d’une manière convaincante, l’efficacité salvatrice de l’évocation-invocation des morts dans son livre Femmes de Paroles.
La voyante qu’il décrit, dialogue avec un invité, Geoff, qui ne croit aucunement à la voyance :
»
Geoff, vous avez deux enfants, n’est-ce pas ?
Oui,…
Ils sont dans un foyer en ce moment…
C’est exact.
Geoff, vous-même avez été placé en foyer lorsque vous étiez enfant.
Oui, dit-il…
Excusez-moi, vous avez fait deux ans de prison.
Non… ça va… oui, c’est vrai… pour des bêtises… mais j’ai payé maintenant, dit-il mal à l’aise.
Geoff, vous alliez à la chasse avec un copain. Un grand et beau garçon blond… vous voyez qui je veux dire.
Je crois que oui, répondit-il soudain grave.
Vous l’aimiez beaucoup, il est mort dans un accident d’auto l’année dernière, un 4X4…
Comment vous faites pour savoir tout ça ?
(…) on me le dit.
Qui ?
Votre ami, il est juste derrière vous, il vous protège… enfin son esprit quoi… «
Selon l’auteur, cette voyance, excellente, a orienté progressivement Geoff vers un nouveau destin. Elle a rappelé avec force les moments douloureux de son passé d’enfant abandonné, les traumatismes de sa vie. Elle a fait le lien avec sa situation présente difficile, la relation avec ses enfants… Puis elle l’a fait basculer corps et âme dans une autre dimension – la survivance protectrice de son ami – qui l’inscrit dans une nouvelle matrice d’interprétation du monde, pleine de sens et d’espérance.
Dès lors, on peut imaginer une renaissance pour cet homme à partir de cette voyance qui initie une affiliation à un monde invisible et à son initiatrice, la voyante.
On comprend à travers cet exemple saisissant comment une » simple » divination peut bouleverser une vie et de façon plus générale l’utilité thérapeutique de la voyance. Néammoins, toute divination n’est pas thérapeutique par elle-même et il arrive parfois qu’une divination qui se révèle fausse soit aussi efficace !
En sens inverse, il semble que toute thérapeutique doive, pour réussir, passer à certains moments par des énoncés présentés sous forme de voyance, ce qui contraindrait tout thérapeute à devenir » voyant » ! »
PSYCHOLOGIE
Le regard crée du sens, les trames sémantiques, par Christine Hardy
« Le sens est au coeur de la vie comme sa pulsation même : ce qui nous fait demeurer vivants. Car nous ne pouvons pas nous passer de sens, même si la signification que nous attribuons à notre vie tend à être négative.
Ce sens n’est pas une entité inerte : nous le créons et recréons à chaque instant, dans chaque nouvelle situation. Il ne s’agit cependant pas d’une génération spontanée, car il émerge à partir d’un fondement bien plus vaste que la seule situation. Ce n’est pas non plus une entité stable et préexistante qui serait passée d’une personne à l’autre à travers un mot par exemple, comme on se passerait un objet [1] : tout comme une information, une signification n’est jamais ni stable, ni fixée, ni solitaire ; elle jaillit de réseaux qui la constituent, la permettent ou encore la colorent. Or ces réseaux, générés par des consciences, ne sont jamais identiques d’une personne à l’autre, et ce que l’un a voulu dire ne peut jamais être exactement ce que l’autre entend — bien qu’une plateforme consensuelle permette que l’on se comprenne assez facilement à un niveau pratique de base. On pourrait d’ailleurs ajouter que ce que l’un a dit n’est pas exactement ce qu’il voulait dire, qu’il y a chez une même personne de nombreux niveaux non-cohérents du vouloir dire… il y a là matière à branchements infinis, mais cela nous mènerait trop loin.
Mon objet ici est de me situer au niveau global des réseaux de significations du sujet, liés à des réseaux culturels plus vastes, là où s’articulent d’une part l’individuel et le collectif, et d’autre part l’actualisé (conscient) et le non-actualisé (non-conscient à ce moment).
Il existe une DIMENSION SEMANTIQUE [2] de la réalité, une dimension de sens qui pénètre et traverse à la fois les êtres et les objets, et qui est le fondement de toute communication, de tout acte de pensée, de toute mémorisation. Au cours de sa vie, l’individu se constitue d’innombrables CONSTELLATIONS SEMANTIQUES qui sont des réseaux organisés [3] de significations groupées autour d’un thème ou d’un concept central. Ces constellations collectives constituent la dimension sémantique.
Une constellation peut par exemple regrouper les expériences, les compétences et savoir-faire, les stratégies d’apprentissage, les valeurs et priorités… d’un individu dans son domaine professionnel. Ainsi, lorsqu’un être perçoit une situation, c’est à travers ses propres constellations sémantiques que cette situation est interprétée : ce qui est perçu active des analogies ( ou d’autres types de liaisons sémantiques) dans les constellations, ce qui fournit la trame de fond de l’interprétation.
La flexibilité et la mutabilité des liaisons sémantiques est variable d’un individu à l’autre, d’une sub-constellation à l’autre (il peut par exemple exister des référents sociaux de comportements ou de valeurs qui n’ont jamais été remis en question et qui forment des îlots figés).
Il va sans dire que le sens global généré par l’activation d’une ou plusieurs constellations dans une situation particulière est émergent, et qu’il est influencé par la manière dont certains éléments de cette situation ont déclenché des CHAINAGES de sens particuliers dans cette constellation : comme s’il y avait, même au sein d’une seule sub-constellation activée, d’innombrables éclairages possibles selon la manière dont se fait l’intégration de la nouvelle situation (voir chez Minsky l’activation sélective d’agents particuliers d’un réseau [4]).
On croit par exemple se rappeler un souvenir particulier d’une façon toujours identique. C’est parfois vrai lorsque le souvenir est simple et qu’il retrace un événement ponctuel. Mais s’il s’agit de situations complexes qui se sont étalées dans la durée, alors la pensée qui l’a fait naître fait surgir de cette masse de souvenirs ceux qui ont avec elle un lien précis, et de plus cette pensée initiale leur donne une coloration particulière.
Ainsi, d’une part le contexte extérieur donne un sens nouveau aux liaisons sémantiques activées et, en provoquant de nouvelles liaisons, contribue à la modification de la constellation ; d’autre part l’ensemble des constellations sémantiques du sujet, et principalement la constellation activée, est le fondement de la perception/interprétation de l’événement. Stewart et al [5] soulignent de plus que l’état antérieur du système (i.e. la situation à l’instant t-1) ainsi que l’interaction en temps réel qui prend place avec le stimulus influencent aussi l’interprétation.
Communication
Lorsque nous communiquons, nous voyons l’autre à travers notre propre trame sémantique : nous le « comprenons » à travers des constellations construites à partir de nos expériences passées et de nos connexions privilégiées avec certaines constellations collectives (telles les grands courants de pensée, les groupements sociaux, politiques, religieux, etc.) Ceci se conçoit aisément. Cependant, voyons plus finement ce qui se passe :
Chaque mot du locuteur A active en lui ET chez son interlocuteur B des liaisons en chaîne ou en faisceaux parallèles à travers de multiples constellations (spécifiques à chaque personne). Disons que chez B la sub-constellation d’un souvenir d’enfance (avec tous ses éléments en liaisons) soit activée. Simultanément sont lancés des faisceaux d’activation à partir de l’idée globale que veut lui transmettre A, d’autres à partir de sa lecture de la posture et du comportement de A, etc. Simultanément, ses processus biologiques s’adaptent à l’environnement physique, des impressions sensorielles diverses (odeurs, couleurs, sons…) activent des constellations spécifiques et sont interprétées à son insu.
Parallèlement à ce travail non-conscient d’activation des constellations, B peut poursuivre un raisonnement logique ou une description ; il peut décider de taire ou de raconter son souvenir.
De cette activation gigantesque, tout sujet (ici B) ne perçoit, dans son flux mental, qu’un aboutissement très significatif (plusieurs fois activé) et les résultats de vastes computations. Ici, en l’occurence le surgissement dans son flux conscient du souvenir en corrélation avec l’idée développée.
Comme les mêmes processus d’activation agissent aussi chez l’interlocuteur, nous pouvons dire que, dans la communication, de multiples niveaux de l’être (du somatique à l’intellectuel) produisent leurs propres traitements d’informations avec des connexions transversales intra-sujet entre niveaux. De même, il se crée forcément des liaisons sémantiques inter-sujets entre des niveaux correspondants chez A et B. (Par exemple, leurs corps résonnent à des informations captées de façon sub-liminale, des affects sont ressentis et interprétés, etc.) Ainsi la communication se poursuit sur plusieurs niveaux simultanément, et seules quelques bribes des traitements d’informations engendrés surgissent dans le flux mental des sujets.
Les constellations d’interface
Prenons un grain encore plus fin d’analyse, et nous verrons qu’il se passe une véritable émergence de constellations sémantiques faisant l’interface entre les sujets communiquant.
A l’appui de son argumentation, A évoque un film (ce qui signifie que la constellation F incluant ce film est activée chez lui). Chez B, qui a aussi vu ce film, la constellation concernée F’ est immédiatement activée ; ces constellations contenant les interprétations/souvenirs et jugements sur le film ne sont pas identiques chez A et chez B, car les associations qu’ils ont faites diffèrent, de même que les branchements sur d’autres constellations.
Cependant, il y a suffisamment de repères communs pour que leur discussion à propos du film crée de multiples ponts et faisceaux d’associations, liaisons variables (accord, désaccord, etc) entre les constellations F et F’ de A et de B. Il s’ensuit la création d’une CONSTELLATION D’INTERFACE entre la trame sémantique de A et celle de B, constellation qui est une émergence d’un sens partagé, de significations à la fois communes et divergentes entre les deux interlocuteurs, qui soude leur échange et sera la toile de fond à partir de laquelle de futures communications entre eux vont se développer. Il est évident que la constellation d’interface est créée à partir des trames sémantiques des interlocuteurs, mais que cependant ce qui en jaillit est un sens émergent qui n’était contenu en totalité ni chez A ni chez B. De plus, l’implication de chacun des interlocuteurs dans la constellation d’interface est différenciée : sur le plan sémantique, cela signifie que les CHAINAGES sémantiques, à travers les éléments liés, sont différents pour l’un et pour l’autre.
Cet interfacage génère une efflorescence étonnante si les communiquants ressentent l’un pour l’autre assez de sympathie et d’empathie : chaque interlocuteur, à travers la constellation d’interface, pénètre dans la partie activée de la trame sémantique de l’autre, s’il suit les liaisons et chaînages actualisés de ce dernier. Ainsi l’activation et le traitement d’information de l’un peut-il se prolonger dans une zone sémantique actualisée dans la trame de l’autre. Cela équivaudrait, dans la situation idéale d’une relation extrêmement empathique, à penser à travers l’autre.
Eventuellement, à la fin de la conversation, et de façon toute relative au degré de contact mental entre les deux personnes, certaines liaisons au sein de la constellation d’interface vont se dénouer, ou se désorganiser et se recombiner dans la trame sémantique de chacune d’entre elles. La constellation d’interface demeure cependant, et sera réactivée, modifiée, agrandie — non seulement lors de nouvelles conversations, mais aussi lors de réactivation des souvenirs ou lorsque la pensée évoque la personne. [6]
Ainsi la computation continue-t-elle à se dérouler à la fois dans le flux mental, et plus profondément dans les constellations : le sens déployé passe par une assimilation subséquente.
Obtention non-ordinaire d’informations
Ce processus d’interpénétration des champs sémantiques entre deux personnes fortement liées fonde la capacité à faire émerger des informations sur l’autre qui n’ont pas même été verbalisées, ce que l’on appelle intuition ou encore télépathie [7].
Un phénomène qui a été souvent observé, mais qui n’a pas reçu d’explication, est le fait que plusieurs scientifiques peuvent, sans se connaître et au même moment, faire une découverte identique.
Un grand courant de pensée, une science par exemple, est une gigantesque constellation collective. Les divers domaines de cette science en sont des sub-constellations. Prenons quatre chercheurs dans des pays très différents et éloignés, qui se sont posé la même question et étudient ainsi le domaine très délimité de ce problème particulier. On peut dire que l’orbe de ce problème est une sub-sub-constellation qu’ils sont tous quatre en train de construire. En effet, comme dans le cas des deux interlocuteurs, les éléments communs ou corrélés se lient par un processus d’attraction et se constellent autour du noyau de la constellation émergente : le problème étudié. Le paramètre de proximité sémantique (cf note 6) fait que le facteur distance physique et, de même, l’absence de tout contact classique entre les chercheurs, n’interviennent pas comme des obstacles à la mise en liaison dans la dimension sémantique. Ils sont donc tous quatre des co-créateurs de la constellation émergente d’interfaçage (ou collective).
Dès lors, si l’un des chercheurs trouve une solution satisfaisante, cette grille théorique nous amène à concevoir que les autres ont, dans la dimension sémantique, accès à cette information à travers leur branchement commun sur la constellation d’interfacage. Cependant seuls ceux dont les organisations et processus sémantiques sont très proches (ceux par exemple qui fonctionnent selon les mêmes logiques, ou qui ont assimilé les mêmes données initiales essentielles…) vont pouvoir faire émerger ce faisceau de sens dans leur flux mental, en l’intégrant et le modifiant bien sûr. Ainsi il est possible que sur les quatre chercheurs en liaison, seulement deux découvrent une solution identique apparemment au même moment et sans que l’on puisse tracer des liens tangibles entre eux.
Ainsi, nous sommes partis de la constatation que le regard d’un être, sa façon de percevoir/interpréter le monde, équivaut à modifier et réorganiser sa propre trame sémantique, générant alors du sens. Nous avons ensuite posé que le processus même d’émergence du sens — par activation des constellations sémantiques du sujet — influence et modifie la trame sémantique de son interlocuteur : ce processus change, dans une certaine mesure, l’organisation des constellations qui sont, chez cet interlocuteur, activées et « connectées ».
Enfin, cette grille théorique nous a amenés à concevoir, dans la dimension sémantique, des connexions entre consciences sémantiquement proches, quel que soit leur éloignement dans l’espace. Ces connexions, ou, plus justement, ces interpénétrations des trames sémantiques individuelles et collectives donnent lieu à de véritables co-créations de sens à des niveaux transpersonnels et collectifs. La dimension sémantique apparaît alors comme le « lieu » de la génération de pensée et de sens à des niveaux individuels et planétaires : un méga-cerveau collectif — dont nous sommes tous des co-acteurs — in-formant à chaque instant les trames de la pensée collective à partir desquelles chaque individu peut s’élancer afin de créer un sens nouveau et jaillissant. »
Notes :
[1] Sur l’information et la signification n’existant pas comme des entités stables, transférables telles quelles, voir : * John Stewart, Evelyne Andreewsky et Victor Rosenthal : « Du culte de l’information en biologie et en sciences du langage. » Revue Intern. de systémique, Vol 2, N°1, 1988, p 15-28. * Francisco Varela : Connaître les sciences cognitives. Seuil, 1989. * Hélène Trocmé-Fabre :-J’apprends donc je suis. Ed L’organisation. 1987.
Séquences 3 et 4 du film « Né pour apprendre ». A paraître à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud (ENS production).
[2] « Sémantique » est pris dans son sens strict : qui a rapport à la signification. La grille développée ici se démarque de la sémantique en tant qu’étude du sens véhiculé par le langage.
[3] Le terme de constellation est préféré à celui de réseau pour souligner l’aspect fondamentalement ORGANISE (autour d’un NOYAU) des ensembles sémantiques. Pour les recherches sur les réseaux fondant la connaissance et la cognition, voir :
* Pierre Lévy : Les technologies de l’intelligence. La découverte. 1990.
* W. Bechtel et A. Abrahamsen : Le connexionnisme et l’esprit. La découverte. 1993.
[4] Marvin Minsky : La société de l’esprit. InterEditions. 1988.
[5] Stewart et al, déjà cité.
[6] La dimension sémantique a ses propres paramètres qui n’ont rien à voir avec les paramètres de l’espace-temps classique, par exemple un paramètre d’espace particulier : la proximité sémantique.
[7] Cette faculté de télépathie ayant par ailleurs été largement prouvée par des recherches de laboratoire. Voir :
* Mario Varvoglis : La rationalité de l’irrationnel. InterEditions, 1991.
CHRISTINE HARDY, docteur d’état ès Sciences humaines, a conduit des investigations trans-culturelles sur les états modifiés de conscience et les transes rituelles, pendant plusieurs années de voyage à travers le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique, puis à travers la psychologie transpersonnelle et la psychologie analytique. Elle a travaillé comme assistante de recherche aux Psychophysical Research Laboratories de Princeton, USA, tout en élaborant sa thèse de doctorat. Elle a publié plusieurs ouvrages sur les domaines scientifiques de pointe et a présenté ses propres recherches dans plusieurs congrès internationaux. Elle est présidente d’Interface Psi (LRIP), une association de recherche qui vise l’investigation des dynamiques cognitives et des interactions psycho-physiques. Christine Hardy a développé, dans le cadre des sciences cognitives, une Théorie des champs sémantiques, basée sur les réseaux neuronaux et la théorie du chaos, et présentée dans son tout dernier ouvrage, Networks of Meaning (Westport, CT : Praeger/Greenwood, 1998).
Le temps hors du temps, par Jean Houston
Un excellent moyen d’appréhender et d’explorer les pouvoirs du temps consiste à réfléchir sur la diversité et la richesse extraordinaires de l’expérience temporelle. Car il nous est arrivé pour la plupart, à un moment ou à un autre, de percevoir le temps de facon inhabituelle, et tout spécialement au cours de certains événements accidentels et dramatiques. L’épisode de ma vie que je vais relater ici n’a rien d’exceptionnel, si j’en juge par le nombre de gens qui m’ont conté des expériences semblables.
« Cet épisode débuta en juin 1972, quand je m’éveillai en pleine nuit avec le sentiment inéluctable que j’allais mourir au cours du mois suivant. Cette perspective me sembla tout d’abord absurde. J’étais pleinement heureuse de vivre, je n’avais pas d’ennuis particuliers, et mon intention bien arrêtée était de ne pas dire adieu à ce monde avant une bonne cinquantaine d’années. Pourtant, le sentiment de ma mort imminente restait tapi dans un recoin de mon esprit. J’en ressentais une sorte d’irritation persistante. Au point que, soucieuse de me mettre en paix avec moi-même, je rédigeai mon testament et réglai certaines affaires qui normalement ne nous préoccupent guère tant que nous n’avons pas dépassé la trentaine. Quoi qu’il en soit, je m’étais mis en tête que j’allais bientôt mourir. Un point c’est tout.
Un peu plus tard dans l’année, j’allai voir mon père à Los Angeles. Un soir, nous devions sortir pour participer à un dîner auquel devait assister l’écrivain Ray Bradbury. Mon père n’avait de cesse que nous ne partions. Et soudain, en montant dans la voiture, je sus que c’était pour ce soir-là. Terrifiée, je mis pied à terre en déclarant que je préférais ne point l’accompagner à cette soirée.
» Comment ça ! s’étouffa mon père. Surtout que, j’adore Bradbury ! Tu vas me faire le plaisir de remonter en voiture ! «
Je m’obstinai dans ma décision, alléguant des prétextes tous aussi mauvais les uns que les autres, en particulier que je préférais Isaac Asimov à Ray Bradbury, et encore que nous avions tant mangé à midi dans ce restaurant chinois que je me sentais incapable, vraiment, d’en ingurgiter davantage. Mais mon père y mit une telle insistance que cinq minutes plus tard, nous roulions sur l’autoroute Ventura. La circulation était dense. Les voitures foncaient toutes à plus de cent à l’heure, à quelques mètres les unes des autres. Et la façon de conduire de mon père n’avait rien d’ordinaire qui pût inspirer la confiance, étant donné que sa virtuosité au volant n’aurait guère déparé un burlesque de Mack Sennett. Pourtant tout se passa fort bien pendant quelques kilomètres. Dans le ronronnement de l’autoroute saturée, les voitures avançaient en une sorte de procession automatique et uniforme. Je m’étais sans raison fait des idées. Même la conduite de mon père était ce soir-là exemplaire.
Mais de nouveau, avec une impitoyable lucidité, je sus tout à coup que c’était imminent. Un coup d’oeil alentour. Mais non, tout était parfaitement normal. Nous roulions sur la voie de gauche, la plus proche du rail de sécurité, à quelques mètres de la voiture qui précédait la nôtre. Je détournai la tête pour regarder à droite. Sur la seconde voie roulait une Cadillac jaune. Et soudain je la vis faire une embardée, amorcer un tête-à-queue, tourner sur elle-même de quatre vingt-dix degrés, traverser la troisième voie et se faire prendre en écharpe, de plein fouet sur la voie de gauche, par la voiture qui nous précédait. Je fus instantanément projetée dans une autre dimension temporelle, les deux véhicules se mouvaient dans un ralenti solennel et bondissaient au-dessus de la chaussée avec une grâce infinie,en une sorte d’interminable et fascinante chorégraphie, évoluant tels deux danseurs de ballet éléphantesques qui auraient exécuté un pas de deux dans l’air californien. Car les images qui me venaient à l’esprit étaient celles de tous les danseurs étoiles qu’il m’avait été donné d’applaudir, mais dont le talent me semblait sur l’instant éclipsé par la poésie du spectacle que j’avais sous les yeux. Quelque chose en moi me disait que nous étions nousmêmes en grand danger et à deux doigts de nous catapulter au beau milieu de ce carrousel. Sur un ton détaché (mais que mon père, lui, me décrivit plus tard comme sans réplique), je réussis alors à prononcer : « Dégage à gauche, P’pa. Pas à droite. Et accélère. »
Au cours de ce ralenti, il me semblait voir clairement ce qu’il convenait de faire pour éviter la catastrophe comme si, au volant moi-même, je prenais tout mon temps pour contourner des obstacles sur une route de campagne déserte. Mon père se conforma fidèlement à mes instructions, et notre voiture évita la collision je ne sais trop comment, étant donné que je serais bien incapable de dire si ce soir-là nous sommes passés à travers, ou au-dessous, ou à côté des voitures qui se percutaient. Car c’est derrière nous qu’en fait elles se percutèrent, dans un fracas de vitres brisées projetées sur notre pare-chocs. Peu après, nous nous arrêtions sur le bas-côté et nous nous précipitions hors de la voiture pour prêter assistance aux victimes de la collision. Ce fut assurément le pire accident auquel il m’ait jamais été donné d’assister.
Déjà les deux voitures n’étaient plus que des carcas ravagées par les flammes. Il n’était désormais plus possible d’en dégager les passagers. Sur l’autoroute, un carambolage monstre. Vingt-quatre voitures s’étaient télescopées en freinant, devions-nous apprendre plus tard. Nous fîmes de notre mieux pour porter secours à leurs occupants. Des hélicoptères, des ambulances, des véhicules de pompiers arrivèrent en un temps record. On dénombra cependant six cadavres dans les deux voitures accidentées, et nombre de blessés légers parmi les occupants de celles qui s’étaient télescopées. La nôtre était la seule qui fût sortie absolument indemne de l’accident.
Je n’avais plus la moindre envie de participer à ce dîner. Mais mon père insista pour que nous y allions quand mêrne étant donné qu’ensuite je devais prendre la parole. Nous sommes donc repartis. J’avais conscience de continuer à évoluer dans un autre secteur du temps, mais de façon moins nette qu’au moment où était survenu l’accident. Je ressentais en outre par tout le corps des douleurs fantômes, comme si on m’avait amputée de certains membres. Cela ne m’était proprement parler désagréable, mais me donnait l’impression que c’était exactement ce que j’aurais ressenti si j’avais moi-même compté parmi les victimes de l’accident. Quiconque se souvient de la sonnerie de trompette fantôme qui surgit à répétition tout au long du film Patton comprendra ce que je veux dire en parlant de ces douleurs, dont l’écho se répercutait à travers tout mon corps. Plus tard, au cours du dîner et pendant les quarante-huit heures qui suivirent, une même idée continua de me hanter : celle d’avoir été gravement blessée, et peut-être même tuée dans une autre dimension temporelle. Je ne nie pas que cette idée ait pu être influencée par la présence de M. Bradbury et par la conversation qui ce soir-là s’était engagée entre convives, mais ce qui me semble le plus remarquable, c’est qu’à dater de ce moment, le sentiment de ma mort imminente me quitta pour ne plus jamais réapparaître. Tout s’était passé comme si j’avais en quelque sorte consommé « la mort » sur un autre rivage du temps et que de ce fait j’étais à tout jamais dispensée de mourir dans l’espace et dans la durée de mon existence.
Il se peut encore que cet accident brutal ait été le déclic venu provoquer en moi quelque aptitude innée chez l’être humain à accélérer le temps dans le monde extérieur tout en le ralentissant considérablement dans le monde intérieur. En quel cas, c’est à cette aptitude que je dois la « présence » d’esprit d’avoir perçu les choses et réagi comme j’eusse été incapable de le faire dans des circonstances normales. Mais alors, ne serait-il pas possible de stimuler et d’exploiter àvolonté cette faculté particulière ? Les études que nous avons réalisées dans ce domaine laissent en effet à penser qu’à partir du moment où une orchestration de la durée intérieure vient se superposer à la représentation mentale, il devient possible non seulement d’élargir notablement et de libérer le processus d’idéation, mais aussi d’accroître et d’approfondir la somme des expériences subjectives normalement vécues dans les limites du temps que mesurent nos horloges. Autrement dit, la « durée intérieure » disponible doit pouvoir s’accroître à proportion de 1″‘espace intérieur ». Partant de ce présupposé, l’expérience subjective se dote de significations qui lui faisaient défaut.
(…)
En ces domaines inexplorés, tout est affaire de durée intérieure, Car la représentation mentale qu’on apprend à évoquer ne serait pas une fin en soi si ne venait s’y superposer une égale aptitude à exploiter les richesses de la durée. Alors seulement nous détenons les promesses d’un épanouissemeni du processus créatif aussi exubérant qu’insoupçonné.
Considérons la nature du temps qui s’écoule, car nous tenons là un pouvoir caché comptant parmi les plus grands, qui soient. Nous en savons bien peu sur ce monde dont nous n’avons exploré qu’une fraction infime, subjugués que nou sommes par la tyrannie de nos horloges, ces instruments dont les aiguilles se déplacent sur un cadran selon des arcs de cercle pour découper exclusivement l’espace euclidien et non pas la durée vécue. Et pourtant, que de diversité dans la durée ! Car il s’agit là de tout autre chose qu’un continuum immatériel à l’intérieur duquel des événements se succèdent irréversiblement, du passé vers l’avenir à travers le présent. Car sitôt que notre esprit se détourne de la périodicité que nous proposent nos vingt-quatre heures d’horloge ou les passages de astres que relèvent nos astronomes, nous accédons à la plénitude d’un véritable kaléidoscope temporel, dont les mille facettes nous révèlent pêle-mêle le temps atomique, le temps sidéral, le temps comprimé, la relativité, les rythmes biologiques, le temps organique, le temps tel que perçu dans la passion amoureuse, la fureur, l’inactivité, la crainte, l’angoisse, la douleur, le plaisir (longues peines et brefs plaisirs, peines courtes et plaisirs durables ?), le temps de l’enfant et celui du vieillard, le temps compté, le temps qui meurt, le temps où l’on crée, où l’on médite, où l’on se concentre, le temps hors du temps… L’extase et la terreur ont chacun leurs cadences temporelles, et dans l’expérience mystique les catégories du temps fusionnent en un même élan vers l’éternité.
Nous vivons malheureusement une ère où le temps a été si profondément ébranlé par la technologie que désormais rien ne compte plus que ce fragment de durée particulier qu’est le Maintenant. Le totalitarisme de nos horloges et la tutelle exercée par la machine sur les cadences de notre existence quotidienne n’ont abouti qu’à fragmenter et dissocier le cours de nos rythmes naturels et du temps qui s’écoule, faisant en quelque sorte de celui-ci une entité indépendante des rouages essentiels de l’expérience vécue. Au point que ce temps abstrait est devenu pour nous un nouveau milieu, un nouveau cadre d’existence. Mais si ce cadre favorise grandement l’efficacité, il provoque en revanche une déperdition marquée de la perception du passé et de l’avenir. Pareille abstraction du temps et de l’espace, couplée à la perte du sens que prennent les différentes étapes de tout processus individuel, entraîne inévitablement l’abolition de la durée percue. À partir du moment où « sitôt dit sitôt fait » prend valeur de précepte, c’est toute la trame temporelle de l’existence qui s’en trouve compromise. Et compromis aussi le nécessaire décalage qui devrait séparer le désir de la satisfaction de ce désir. Des études récentes sont là pour démontrer que depuis une vingtaine d’années nombre d’individus, et plus spécialement d’adolescents, se définissent de moins en moins par rapport à l’avenir et se révèlent de moins en moins capables de différer la jouissance de ce qui vient combler leurs voeux, ce qui indique d’évidence qu’on assiste bel et bien à la disparition de ce sens de la durée, de l’écoulement du temps, facteur indispensable à la maturation des décisions réfléchies. Il est possible aussi que ce phénomène explique en partie cet autre fait récent d’observation courante qu’est le rétrécissement du champ de l’attention, rétrécissement dont la manifestation extrême aboutit à priver le langage de signification, tant il est vrai que pour une bonne part la sémantique et la cohérence du discours procèdent d’une interrelation qui met en jeu la grammaire, la logique et la durée. »
Sujet LSD et voyance, Extrait de « Les Nouvelles Dimensions de la Conscience », par Stanislaf Grov, Editions Le Rocher.
« L’aspect le plus caractéristique des phénomènes PES d’un groupe LSD est la transcendance des limites habituelles du temps et l’extension temporelle de la conscience qui en résulte. Les sujets LSD anticipent parfois (en particulier à un stade avancé d’une série psycholytique) des événements. Ils assistent à des scènes complexes et détaillées d’événements futurs sous la forme de visions clairvoyantes et entendent même les sons ponctuant la situation : les bruits ordinaires de la vie quotidienne, des séquences musicales, des mots détachés ou des phrases entières, des bruits de véhicules automobiles et diverses alarmes sonores (sirènes de pompiers, d’ambulance ou klaxons). Ces expériences présentent une ressemblance variable avec des événements réels ultérieurs. Une vérification objective s’avère, dans ce cas, particulièrement difficile. Si ces détails ne sont pas communiqués et soigneusement documentés durant la séance même, le risque de contamination des données est élevé. Les dangers principaux sont : l’interprétation fantaisiste d’événements, les déformations mémorielles, et l’éventualité de phénomènes de déjà vu au moment de la perception des faits réels. A cet égard, il importe de faire, sans plus tarder, un commentaire d’ordre général concernant l’incidence des phénomènes PES se manifestant pendant les séances LSD. Les tests objectifs en laboratoire ne démontrent généralement pas qu’un accroissement de la perception extrasensorîelle soit un aspect courant et constant de l’effet LSD. Il n’en est pas moins vrai que cette drogue semble favoriser la manifestation de divers phénomènes paranormaux. Les » voyages dans le temps » entrent dans cette même catégorie et méritent attention. Les sujets sont convaincus d’avoir transcendé les limites temporelles et d’être capables de se déplacer à volonté vers n’importe quelle période de l’histoire, à l’instar des personnages de science-fiction disposant d’une machine à remonter le temps. »
HISTOIRE
EPISTEMOLOGIQUEMENT CORRECT Réflexions inactuelles sur la mise à l’index de la métapsychique, Alliage, numéro 28, Automne 1996, par Bertrand Méheust
« De 1837 à 1842, une polémique féroce met aux prises des savants renommés, divise l’Académie de médecine, tient, par presse interposée, le public parisien en haleine : une de ces passes d’arme typiques du XIXe siècle, avec expériences contradictoires, débats publics, discours enflammés, coups bas, pamphlets et contre-pamphlets. L’enjeu est perçu comme capital. Il s’agit de vérifier la réalité de la fameuse lucidité magnétique, grâce à l’une de ses manifestations supposées, la lecture à travers les corps opaques. L’affaire aura des conséquences importantes puisqu’elle aboutira à la fermeture officielle de l’Académie de médecine au magnétisme animal. [1] Que des gens de qualité aient pu s’étriper pour une cause aussi douteuse, voilà, n’en doutons pas, qui paraîtra étrange à beaucoup. Aussi convient-il, avant de résumer les traits saillants de cette affaire, d’en rappeler le contexte. ll s’agit de la découverte du somnambulisme artificiel effectuée en 1784 par le marquis de Puységur, et de la bataille d’idées qui en a découlé. Une bataille qui traverse tout le XIXe siècle, et dont l’enjeu concerne le problème de savoir s’il convient, et jusqu’à quel point, de redélimiter l’extension des facultés humaines C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les commissions officielles qui se succèdent après la Restauration et dont la fonction officieuse est, en fait, de protéger l’institution des ténèbres magnétiques.
L’affaire Pigeaire
Pour bien suivre l’affaire que je vais résumer, il faut avoir présent à l’esprit que le magnétisme animal est tout le contraire d’une médecine populaire, comme beaucoup l’imaginent encore aujourd’hui. C’est un courant d’origine aristocratique et savante, certes minoritaire, mais néanmoins puissant. Les magnétistes ont des alliés influents, ils ont gagné à leur cause, après la révolution, des écrivains, des philosophes, des médecins prestigieux. Or, ces conversions à la cause magnétique – celle, par exemple, du professeur Georget, du baron de Rostan ou du professeur Lordat, chef de file de l’école de Montpellier, un des plus célèbres médecins de l’époque – contribuent à augmenter l’inquiétude des positivistes, qui voient ainsi l’ennemi prendre pied dans les corps savants. Plus grave encore aux yeux des ultras de la Raison, le clan magnétiste est parvenu à obtenir de l’Académie royale de Médecine qu’elle nomme une nouvelle commission officielle ; et, par la bouche de son rapporteur, le professeur Husson, médecin-chef de l’Hôtel-Dieu, cette commission admet, le 28 juin 1831, la réalité de la plupart des phénomènes allégués par les magnétiseurs, y compris la suggestion à distance ! Le rapport Husson fait scandale. Il est imprimé mais n’est pas diffusé, et les antimagnétistes reprennent les choses en main. Une nouvelle commission est créée, dirigée cette fois par des médecins dont l’hostilité au magnétisme est notoire, et notamment le redoutable Dubois d’Amiens. L’un des membres de cette commission, le professeur Burdin, institue un prix. Il met les magnétistes au défi de produire un somnambule capable de lire à travers les corps opaques et offre une somme coquette à celui ou celle qui se montrera capable de ce prodige. La proposition semble honnête mais des textes montrent sans ambiguïté que le prix doit fonctionner comme un piège destiné à tuer le magnétisme. Pourtant, en octobre 1837, le docteur Pigeaire, médecin honorablement connu à Montpellier, relève le gant. Sa fille Léonide, âgée de onze ans, parvient selon lui à lire les yeux bandés quand elle est plongée dans l’état dit magnétique. Les faits ont été observés et authentifiés par le professeur Lordat. Il se présente donc comme candidat.
En mai de la même année, Pigeaire, muni des lettres de créance de Lordat, monte à Paris avec sa famille et s’installe dans un appartement dont il dispose au 98, rue de l’Université. Aussitôt, à la demande de Bousquet, secrétaire de l’Académie de médecine, qu’il compte parmi ses alliés, il donne des séances, qui ont un triple but : familiariser la jeune somnambule avec ce nouveau cadre, satisfaire la curiosité de certains membres de l’Académie, et faire discrètement pression sur les membres de la commission, dont l’hostilité de principe au magnétisme est notoire. De juin à novembre, onze séances dites « préparatoires » se déroulent ainsi dans l’appartement de Pigeaire, où l’on voit défiler académiciens, médecins célèbres, savants, écrivains, et gens du monde. Entre autres, Adelon, Arago, Bousquet, Cloquet, Cornac, de Lens,Théophile Gautier, Esquirol, Guéneau de Mussy, Orfila, Pariset, Ribes, George Sand, Velpeau… Ë chaque fois, Léonide parvient, avec plus ou moins de facilité, à lire le texte qu’on lui présente. Grâce aux procès verbaux rédigés par Bousquet, et aux nombreux articles de presse et ouvrages suscités par cette affaire, on connaît le détail des séances, et notamment les précautions prises par les assistants pour éliminer autant que possible la tromperie délibérée ou la simulation inconsciente. Au début de chaque séance chacune des personnes présentes examine le bandeau et l’essaie, afin de constater son opacité, puis consigne ses impressions par écrit. Les assistants posent eux-mêmes le bandeau, composé de trois épaisseurs de velours et d’un tampon d’ouate, le tout attaché par une écharpe nouée derrière la nuque, et collent sur ses bords un taffetas pour empêcher que des rayons de lumière de s’y s’infiltrer. Après quoi, Pigeaire magnétise sa fille. Les séances commencent quand cette dernière présente les signes retenus à l’époque comme témoins de l’état somnambulique. On coupe alors les pages d’un livre apporté par l’un des participants, on l’ouvre au hasard et on le pose sur une table et sous une plaque de verre, en face de la fillette. Les assistants, assis en cercle autour de la somnambule, doivent scruter son visage pour vérifier que le taffetas ne se décolle pas. Après la séance chacun s’assure que le papier collant adhère toujours au visage. Le procès verbal est rédigé sur-le-champ, puis présenté aux participants. N’ayant pas décelé de biais, les cinq sixièmes des assistants signent le document ; seuls Arago, Cornac, Gerdy et Velpeau s’y refusent, les uns par conviction rationaliste, les autres (Arago, semble-t-il) parce que leur position sociale ne leur permet pas de témoigner publiquement sur cette question sensible. Plusieurs récits concordants décrivent au sortir d’une séance un Arago stupéfait et excité par ce qu’il vient de voir, et déclarant qu’il va falloir se mettre en quête d’une théorie.
Seulement, aux yeux des commissaires, qui n’ont pas participé aux séances, alors qu’ils y étaient apparemment invités, ces expériences, n’étant pas officielles, n’ont aucune valeur pour le prix Burdin ; d’autant que les conditions dans lesquelles elles se sont déroulées ne permettent pas d’exclure radicalement la possibilité de fraude. Ils décident donc de rejeter le bandeau utilisé par Pigeaire, lequel s’arrête à la hauteur de la lèvre supérieure, et d’adopter une cagoule de soie couvrant tout le bas du visage. Ce choix, qui n’est pas innocent, fait l’objet d’interprétations divergentes. Officiellement, il s’agit d’annihiler toute éventuelle tricherie. Mais comme Dubois et ses amis n’ignorent pas que Léonide Pigeaire ne supporte que le velours, et qu’elle ne peut lire si le bas de son visage est obturé, car elle est alors atteinte de convulsions, les magnétistes soupçonnent les commissaires d’avoir choisi une cagoule en soie tout simplement pour empêcher le phénomène de se produire. Pigeaire s’emporte, fait valoir que le règlement du prix Burdin ne spécifie pas le type de bandeau qu’il convient d’employer, et se contente d’exiger une obturation totale de la vue. Il refuse la cagoule, car il craint qu’elle ne provoque des convulsions chez sa fille. De leur côté, les commissaires persistent à exiger leur cagoule, et comme aucun accord n’intervient, le père, furieux, rentre à Montpellier avec sa fille sans que les expériences aient pu avoir lieu. Les antimagnétistes proclament bruyamment leur victoire dans la presse et la Gazette médicale de Paris va même jusqu’à affirmer que les commissaires ont pris la famille Pigeaire en flagrant délit de fraude. L’honneur de Pigeaire, et le magnétisme tout entier, sont éclaboussés par la calomnie. Cette affaire fournit aux partisants de Dubois d’Amiens l’occasion d’en finir avec le magnétisme. Le 15 juin 1842, à la suite d’un débat houleux, et malgré les protestations véhémentes de certains de ses membres, qui estiment que l’Académie a failli à sa tâche, l’assemblée passe au vote ; les magnétistes sont mis en minorité, et l’institution décide de se fermer officiellement » à toute espèce de fait magnétique. » Mais ce décret officiel n’empêche nullement la multiplication et même la prolifération des études sur le somnambulisme. En 1878, Charcot, tirant les conséquences de cette situation, déclenche la vogue de l’hypnotisme, et l’institution se met soudain à adorer ce qu’elle avait si longtemps brûlé.
Un scientisme modernisé
Les protagonistes de l’affaire Pigeaire semblent s’être ingéniés à mettre en scène tout ce que l’anthropologie de 1996 prétend clouer au pilori. Leur goût de la polémique, leur fermeture intellectuelle, leur croisade pour la Raison, ou pour la réalité des pouvoirs magnétiques, leur objectivisme naïf, toutes ces attitudes ne sont-elles pas aujourd’hui stigmatisées par la majorité des chercheurs ? Et ne font-elles pas ressortir, par contraste, l’ouverture, la tolérance, le climat pacifié qui caractérise notre univers intellectuel ? Ces réactions, je les ai constatées à maintes reprises à la suite de la relation que j’ai donnée de l’affaire Pigeaire dans Ethnologie française. Elles sont significatives de ce que le scientisme fin de siècle se trouve promu aujourd’hui au rang de repoussoir d’une rationalité rénovée. Eh bien, au sortir d’une longue enquête sur l’histoire du magnétisme animal, je me trouve au regret de devoir égratigner ce tableau complaisant. Il ne s’agit évidemment pas de réhabiliter le scientisme et de disculper les Dubois d’Amiens. Ce que je veux montrer, c’est que si l’on compare les attitudes du siècle passé, et celles qui prévalent aujourd’hui, et cela sur un sujet aussi sensible et aussi révélateur que la question métapsychique, on arrive à ce constat perturbant qu’à bien des égards, et tout bien pesé, notre univers intellectuel est plus fermé que celui du scientisme fin de siècle. Ce qui masque cette vérité déplaisante, c’est la nature de cette fermeture. Au XIXe siècle, l’affaire Pigeaire en témoigne, les questions interdites étaient étalées sur la place publique ; elles étaient prohibées par des décrets officiels, et à l’issue de polémiques spectaculaires qui permettaient à chacun de s’exprimer. Elles sont aujourd’hui circonvenues et neutralisées par des procédés insidieux, d’autant plus efficaces qu’ils sont silencieux et impersonnels. Il n’y a plus besoin de voyantes commissions officielles : le problème est traité en amont. Le raffinement des moyens de filtrage dont dispose aujourd’hui l’institution, et la subtilité des discours déployés pour couvrir cette opération, sont sans commune mesure avec ce que le passé polémique du siècle dernier a pu mettre en place [2]. Ce dispositif de filtrage, gouverné en sous-main par un scientisme élaboré et modernisé, ne s’avouant plus comme tel, suffit d’ailleurs à lui seul à expliquer pourquoi les polémiques d’antan choquent tant les mœurs épistémologiques policées de 1996 : quand tous les contradicteurs potentiels sont retenus à l’extérieur de l’institution, quand les sujets de mauvais aloi et les véritables thèmes de discorde sont systématiquement éliminés, il est inévitable que l’on ne se retrouve plus qu’entre gens de bonne compagnie. Tout se passe en fait comme si nous assistions à la mise en place progressive d’une pensée « épistémologiquement correcte », d’une « pensée unique », d’un « consensus mou », renforcés par l’appareil bureaucratique de plus en plus compliqué qui gère la recherche et les carrières. Une évolution voisine affecterait ainsi simultanément l’anthropologique, le politique et le social, ce qui, on en conviendra, n’est pas fait pour surprendre.
De telles affirmations sont graves, et si nous les risquons c’est qu’un ensemble massif de faits vient les étayer. Ce que montre en effet la mise en perspective historique de la question métapsychique, c’est l’étanchéité sans cesse croissante du dispositif de sécurité qui s’est peu à peu mis en place autour des phénomènes dits paranormaux depuis la Seconde Guerre mondiale. L’institution est devenue totalement hermétique à toute approche frontale de ces questions. Or, il est frappant de constater que, contrairement aux idées reçues, contrairement à ce que pourrait par exemple laisser penser une lecture superficielle de l’affaire Pigeaire, le scientisme fin de siècle, malgré son dogmatisme affiché, n’avait pas cru devoir se doter d’un tel dispositif, ou bien n’était pas parvenu à le mettre en place. Les scientistes et les positivistes du XIXe siècle aimaient certes la polémique, et la tolérance n’était pas leur fort ; mais ils avaient au moins cette qualité (ou, si l’on préfère, cette faiblesse) qu’ils reconnaissaient l’existence de leurs contradicteurs, les nommaient et les laissaient s’exprimer. L’acharnement même qu’ils mettaient à les combattre et à disqualifier le paranormal valorisait celui-ci, le désignait comme un objet digne d’être pensé et combattu. S’ils polémiquaient, c’est que quelque part il y avait débat. Et s’il y avait débat, c’est, premièrement, que l’objet était reconnu comme porteur d’un enjeu important ; deuxièmement, que l’on se livrait un peu partout en France et dans le monde à de nombreuses expériences susceptibles d’alimenter les discussions ; troisièmement, que l’on pouvait s’exprimer, publier, non pas dans des feuilles populaires, mais dans les meilleures revues ; et quatrièmement, que, de ce fait, les débats et/ou les polémiques en question se déroulaient entre pairs. L’affaire Pigeaire est la preuve par neuf de ce que j’avance. Elle montre certes des détracteurs acharnés et prêts à tout pour faire triompher leur cause, mais aussi une Académie divisée, et des médecins renommés n’hésitant pas à monter au créneau pour expérimenter sur un phénomène aussi peu recommandable que la lucidité somnambulique, et pour faire valoir l’intérêt heuristique de telles expériences. L’équivalent serait impossible aujourd’hui : le Pigeaire de 1996 (il en existe) serait seul, déconsidéré, écrasé, sans alliés académiques ; on lui couperait les crédits, il n’aurait pas accès aux revues savantes, ne pourrait, au mieux, publier que dans VSD, et déboucher chez Dechavanne. Or, ce qui frappe le plus le chercheur qui se plonge dans la littérature savante de la fin du XIXe siècle après avoir laissé au vestiaire les présupposés courants, c’est, indépendamment des thèses exprimées par les uns et les autres sur la nature, l’existence ou la non-existence des phénomènes paranormaux, le fait même que de telles discussions aient pu se dérouler dans les revues les plus prestigieuses, et particulièrement dans la Revue philosophique ; c’est aussi la fréquence de ces articles et de ces livres, dont le nombre augmente à mesure que l’on s’approche de la fin du siècle, pour culminer dans la dernière décennie ; c’est enfin la tenue des textes et la qualité des signataires, qui s’appelaient vers 1830, Cloquet, Georget, Husson, Itard, Rostan, etc., et vers 1900, d’Arsonval, Aksakoff, Balfour, Beaunis, Bergson, Boirac, Boutroux, Crookes, Mac Dougall, Dessoir, Driesch, Flammarion, Fouillée, Gurney, Guyau, Héricourt, Jaurès, James, Janet, Joire, Lang, Liébault, Liégeois, Lodge, Lombroso, Magnin, Marillier, Maxwell, Morselli, Myers, Podmore, Ochorowicz, Richet, Leroy, von Schrenck-Notzing,Vaschide, Wallace, etc. Le contraste est stupéfiant, entre l’engouement manifesté à la fin du siècle par une partie de l’élite pour la métapsychique, et l’indifférence ou le mépris qui sont de rigueur en France depuis la dernière guerre. Pour retrouver l’équivalent, il faudrait qu’Augé, Atlan, Barthes, Bourdieu, Changeux, Deleuze, Derrida, Foucault, Gauchet, Lacan, Lévi-Strauss, Morin, RicÏur, Sartre, Sollers, etc. débattent ou aient débattu de questions analogues dans l’Homme, la Revue de métaphysique et de morale, Diogène, la Revue de synthèse, etc. Or, il faut bien l’avouer, la seule évocation d’un Derrida ou d’un Lacan traitant d’ectoplasmes fait sourire, ce qui suffit pour montrer à quel point notre monde intellectuel a changé.
L’intériorisation d’un interdit
« Plus jamais ça. » : telle semble bien être la leçon principale que l’institution a tiré de cette phase critique où la vague magnético-hypnotico-spirito-métapsychique sembla sur le point de la submerger, et où la culture parut parfois sur le point de basculer. De fait, à partir, grosso modo, de 1930, la métapsychique a été peu à peu délogée des revues savantes où elle avait réussi à prendre pied, et tout a été mis en place pour qu’elle n’y pénètre plus. Le bilan de la situation française actuelle est facile à résumer : sur les questions dites paranormales, il est désormais impossible d’expérimenter et de publier, du moins sous une signature institutionnelle. Aucun laboratoire du CNRS, aucune université ne tolèrent que de tels travaux soient menés sous son égide. Les sources de financement sont taries. Les revues savantes sont à peu près totalement fermées à ceux qui voudraient aborder de façon frontale les questions paranormales [3] , et ne s’entrouvrent qu’à ceux qui, passant sous les fourches caudines, abordent ces thèmes sous des biais indirects obligés, et moyennant certaines proclamations et précautions rituelles [4] ; l’auto-censure, enfin, parachèvent ce processus d’exclusion : je connais des chercheurs du CNRS ou des universitaires qui confessent en privé un grand intérêt pour le paranormal, mais n’osent pas l’écrire de peur que leur carrière en pâtisse. Ce n’est pourtant pas là le plus grave. Le plus grave, c’est que le débat semble implicitement tenu pour inactuel et ringard, c’est qu’il a été en quelque sorte dévitalisé par les nouveaux centres d’intérêt, les façons de poser ou de déplacer les questions qui se sont succédé depuis la Libération à travers les ismes successifs. Laissons pour le moment entre parenthèses le problème insondable de savoir si et jusqu’à quel point cette politique fut intentionnelle, ou si elle est la sommation inconsciente d’une foule de processus sociaux et culturels, parmi lesquels l’homogénéisation et la bureaucratisation croissantes de nos sociétés, la tyrannie de la norme s’étendant sur la recherche, les nouveaux découpages des objets, les contraintes des carrières universitaires, l’influence des modes, l’intériorisation des interdits, etc., pour ne considérer que le résultat tangible, qui, lui, est incontestable : la métapsychique, comme objet de questionnement répertorié, est tout simplement sortie de l’horizon des intellectuels contemporains. Il suffit, pour s’en convaincre, de dépouiller la liste officielle des objets scientifiques énumérés dans les commissions du CNRS. Comme on dit aujourd’hui, cela ne « fait plus débat ». Implicitement, cette évolution est donnée comme un acquis de la pensée, comme le signe que la question métapsychique est à jamais derrière nous. J’y discerne, nous reviendrons sur ce point, l’intériorisation d’un interdit.
Disons-le brutalement : la question des phénomènes paranormaux a été abandonnée au peuple. Il ne faut donc pas s’étonner si ce dernier en use de façon anarchique. Il en résulte est que 1’on assiste à l’heure actuelle à la prolifération incontrôlée d’une littérature bas de gamme constituée par les débris des recherches du XIXe siècle, eux-mêmes recombinés à une foule d’influences hétéroclites – fatras qui n’a plus grand-chose à voir avec la haute tenue des publications magnético-hypnotiques de cette période. Toute une dimension de l’expérience vient ainsi s’échouer et se décomposer chez Dechavanne. On feint en haut lieu de s’indigner de cette prolifération de l’irrationnel dans les médias populaires, mais n’était-ce pas là le but recherché, ou, si l’on préfère, le résultat objectif de l’opération ? J’ai toujours trouvé un peu forcée la thèse développée par Foucault selon laquelle la prison constituerait pour le pouvoir un repoussoir indispensable, en entretenant la délinquance qu’elle prétend combattre. Mais il me semble, en revanche, qu’elle s’ajuste parfaitement au problème qui nous concerne. Tout se passe comme si le Zeitgeist avait besoin, selon la formule que Foucault décoche contre l’institution pénitentiaire, de « mettre en place un illégalisme voyant » [5], comme si cette petite délinquance épistémologique, constituée par tout le fatras auquel je viens de faire allusion, lui permettait de justifier sa fermeture aux approches sérieuses du paranormal, et d’éviter que se reproduise la situation, de son point de vue périlleuse, qui s’installa à la fin du XIXe siècle. Que deviendrait l’argumentaire de l’Union rationaliste, sans l’émission Mystère, sans Madame Soleil, sans Dechavanne, sans les salons de la voyance. En effet, dans la bouillie en question, le paranormal est noyé, dévoyé, déconsidéré, il perd toute définition, tout son éventuel tranchant heuristique. Et le tour est joué. En écrivant ces lignes, je ne fais d’ailleurs que reprendre l’analyse des anciens théoriciens du magnétisme animal. Il se trouve que la situation désastreuse qui prévaut aujourd’hui est exactement celle qu’ils craignaient de voir s’installer ; en effet, ils pensaient que si l’on refusait d’intégrer dans la pensée rationnelle haut de gamme les faits étranges du somnambulisme magnétique, comme eux-mêmes s’efforçaient de le faire, on risquait de provoquer un retour de la superstition, de voir revenir les anges et les esprits, et d’aller ainsi au-devant d’une situation incontrôlable. » Ce n’est point en déclamant contre le merveilleux qu’on en détruit l’empire, écrivait ainsi J.-P. F. Deleuze ; c’est en éclairant les hommes, c’est en leur montrant la cause de ce prétendu merveilleux qui frappe leur imagination. (…) Si vous ôtez le somnambulisme, vous aurez les sorts, les cartes, la chiromancie, les songes les prophéties de Nostradamus, etc. (…) En attaquant ces folies par le mépris, par le ridicule, et même par des mesures de police, on oblige ceux qui en sont entichés à s’en occuper mystérieusement et en silence, et c’est alors que les conséquences en sont funestes. (…) Faut-il détourner les ruisseaux qui forment un fleuve dont on craint les innondations, lorsqu’il est facile de lui creuser un lit où ses eaux, coulant paisiblement, porteront dans la contrée les richesses du commerce ?(…) Que des hommes instruits et bons logiciens étudient le magnétisme, et il prendra son rang parmi les autres sciences. Ce n’est point en le méprisant, en l’abandonnant au vulgaire qu’on atteindra ce but. » [6] Non seulement ces lignes, qui datent de 1817, n’ont pas pris une ride ; mais encore elles revêtent (hélas) un caractère prophétique ; et l’on se prend à rêver que le discours standard tenu de nos jours par la sociologie sur le paranormal parvienne à se hausser à ce niveau d’analyse. (Comme je ne dispose pas de l’espace pour analyser le discours en question, je suggère au lecteur curieux de se reporter à l’article bête et méchant de Gérard Chevalier, « Parasciences et procédés de légitimation », Revue française de sociologie, 1986, XXVII, pp. 205-219. Il y trouvera un bon résumé, hélas involontaire, des préjugés académiques courants concernant le paranormal, ainsi que des erreurs et des amalgames les plus fréquents.)
Relever le défi du paranormal – ou l’esquiver ?
Un tel ostracisme choquerait notre délicate sensibilité épistémologique s’il n’était implicitement donné comme pleinement justifié. L’intérêt pour le paranormal n’est-il pas naturellement lié à une sensibilité crypto-fasciste ? Là où il y a de l’ectoplasme, de la télépathie, là où se manifeste un intérêt trop appuyé pour les forces obscures de la vie, là où l’on célèbre les archétypes, n’entend-on pas en général résonner dans les parages d’inquiétants bruits de bottes ? Et n’est-il pas, de ce fait, du devoir de l’intellectuel responsable, de se tenir à distance de ce dossier nauséabond ? Sur le plan des faits, les prétentions des métapsychistes du début du siècle n’ont-elles pas été systématiquement déboutées ? N’ont-ils pas, pour la plupart, été pris en flagrant déli de tricherie, de naïveté ou d’incompétence ? N’y a-t-il pas, en outre, à l’encontre des phénomènes paranormaux, des contre-indications théoriques majeures, qui conduisent à les rejeter sans plus d’examen ? La Raison n’est-elle pas sortie renforcée de ce coup de folie qui s’est emparé d’elle à la charnière des deux siècles, et qui ne risque plus désormais de se reproduire ? Ce sont là, je suis encore au regret de l’écrire, des tartes à 1a crème éculées, comme disaient Bouvard et Pécuchet : au mieux, des points de vue partiels, susceptibles d’être discutés, et qui de ce fait ne suffisent en aucune manière à justifier le mépris et la fin de non-recevoir massive qui est adressée aujourd’hui à la question métapsychique dans son ensemble. Ainsi,l’argument des bruits de bottes ne résiste pas à l’examen. Une approche historique menée sur une durée de deux siècles détruit ou du moins relativise cette accusation classique : il s’en faut, et de beaucoup, que la métapsychique ait toujours été liée, comme par une sorte de fatum, à une vision du monde crypto-fasciste. L’histoire du magnétisme animal, de Puységur à Jaurès, témoigne largement du contraire. En réalité, comme toute entreprise humaine, la métapsychique (mais on aurait pu s’en douter !) est ouverte à l’histoire ; elle a été ce que les hommes l’ont faite, et elle sera ce qu’ils la veulent, s’ils la veulent [7]. D’autre part, le problème de la réalité des phénomènes paranormaux, n’a pas été réglé par la négative à la fin du XIXe siècle, il est seulement en suspens, partiellement car il n’est plus convenable de le poser. L’idée que la question serait réglée depuis longtemps est le résultat de la polémique pesant sur elle depuis deux siècles ; c’est une facilité que s’accorde le Zeitgeist, et non un argument historique. Quant aux négations a priori, elles sont, comme toutes les prétentions de ce genre en matière de sciences naturelles, uniformément ridicules, et, en toute rigueur, insoutenables, comme le pointait déjà Bergson au début de ce siècle. Que les recherches sur le paranormal soient difficiles, problématiques, sujettes à des dérapages, qu’elles comportent le risque de courir après des chimères, qu’elles constituent pour la rationalité une sorte de défi, c’est là l’évidence. Mais devant ce défi, deux attitudes sont possibles. Le courant magnétiste, et à la fin du XIXe siècle, de nombreux savants avaient choisi de le relever, avec les qualités et les défauts de leur temps ; mais notre époque, en cela toujours égale à elle-même, à choisi de l’esquiver. Seulement, dès lors que l’on se refuse à considérer comme allant de soi la mise à l’index de la métapsychique, la situation se retourne, et c’est le discours standard qui doit à son tour subir l’épreuve du soupçon. Comment se fait-il, en effet, que cette fermeture injustifiable puisse coexister, sans que cela étonne personne, avec l’ouverture de principe affichée aujourd’hui par les anthropologues ? Il faut le dire sans détours : ce que pointe et masque à la fois ce discours, c’est, tout simplement, un interdit. Mais pas n’importe lequel : le plus puissant, et le plus tenace des interdits des temps modernes [8] (dans le domaine, s’entend, de la connaissance). La chasse aux tabous est depuis un demi-siècle une des industries les plus florissantes des sciences humaines ; elle a constitué pour certains un véritable fond de commerce, et un argument de pouvoir : eh bien, l’interdit sur la métapsychique a même résisté à cela. Après avoir surmonté la crise du XIXe siècle, il est aujourd’hui plus solide que jamais. » Une soucoupe volante ! Il y a des bornes aux limites « , s’écrie le capitaine Haddock, qui en a pourtant vu d’autres, lorsque Tintin lui apprend qu’ils vont probablement être enlevés à bord d’un OVNI [9]. C’est exactement cela : la métapsychique passe encore les bornes des limites, elle excède les audaces autorisées [10]. Elle reste perçue aujourd’hui comme l’un des péchés majeurs contre l’esprit ; la vulgarité insondable [11] qui lui est associée coupe ceux qui s’en approchent trop de la communauté pensante. Pour faire court, l’intelligentsia a pardonné plus facilement à Heidegger d’avoir été nazi, qu’à Bergson, qui porta l’étoile jaune, d’avoir été (en 1913) président de la Society for Psychical Research. Il convient donc de proclamer haut et fort, contre les dérobades alambiquées, l’ignorance ou la calomnie, la légitimité du questionnement métapsychique, en rappelant une fois encore qu’à l’anthropologie rien d’humain n’est censé demeurer étranger. Sur ce qu’il faut bien appeler les « résistances à la métapsychique », au sens où l’on a parlé jadis des résistances à la psychanalyse, il est plus que temps que s’ouvre désormais un véritable questionnement. »
[1] Pour un récit détaillé de cette affaire, voir Bertrand Méheust, » L’affaire Pigeaire « , Ethnologie française, « Science-Parascience », XXIII, 1993, 3.
[2] Ajoutons à ce tableau, le fait que l’oubli opportun dans lequel est tombé tout un pan de la culture du siècle dernier prive nos intellectuels de points d’appui historiques qui leur permettraient de relativiser leur propre univers culturel.
[3] Il y a évidemment toujours quelques exceptions. Citons ici le courage de Jean-Pierre Peter, qui a sorti de l’oubli et commenté sans parti-pris l’histoire d’une étonnante guérison magnétique par le docteur Emile Magnin. (« Comment le dire ? Faut-il le croire ? », L’inconscient mis à l ’épreuve, (Nouvelle Revue de Psychanalyse, XLVIII, automne 1993.)
[4] Prenons l’exemple de la voyance. Tout discours sur ce thème doit, ou en tout cas devait il n’y a pas si longtemps, pour être accepté dans une revue haut de gamme, commencer par ce genre de préalable. » Ce n’est pas, il va de soi, pour l’anthropologue, le fait en lui même de la voyance qui est intéressant ; c’est… » Suivra ensuite ce que l’on voudra : la façon dont cette dernière est vécue par telle ou telle culture (pour l’ethnologue), le fait qu’elle respecte le travail du rêve tel que l’a décrit Freud (pour le psychanalyste), les « techniques de légitimation » employées (pour le sociologue) ; le discours que l’on tient à son sujet (pour l’ethnolinguiste), le système de croyances et de représentations auxquelles elle donne lieu (pour toutes les disciplines), et ainsi de suite. Ce recours exclusif aux approches indirectes est révélateur. Prises séparément, ces dernières sont évidemment légitimes. Le problème surgit lorsque l’on découvre que l’anthropologie du paranormal est aujourd’hui exclusivement limitée à de telles approches. A force de ne s’intéresser qu’au « discours-sur », la sociologie des « parasciences » terme lourd de présupposés et d’amalgames non analysés, que personnellement je récuse) en est venue à priver de signification la question des faits, à la tenir pour accessoire, et même pour dérisoire. Cette dernière serait dépassée, elle ressortirait de l’objectivisme naïf du XIXe siècle. Je tiens pour ma part que c’est encore là une façon de gérer l’interdit. l’anthropologue, en effet, est pris dans un double bind, une injonction contradictoire. Il sait bien que, sur le papier, rien ne doit lui demeurer étranger. Mais il sait aussi que cette question lui est fermée, car à l’aborder de façon frontale, il risque de se trouver mis à l’écart de la communauté pensante. Aussi le discours sur les représentations apparaît-il comme le seul compromis possible entre ces exigences. Une chose, en effet, est de critiquer l’objectivisme naïf, et une autre d’évacuer toute réalité autre que celle du discours. Il va de soi que toutes les approches de la voyance sont légitimes, mais à condition q’elles ne finissent pas par masquer (qu’elles n’aient pas pour « but » de masquer ?) la question centrale de sa réalité, et de ses implications pour notre image du monde.
[5] Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, p. 282.
[6] J-P. F. Deleleuze, Réponse aux objections contre le magnétisme, Paris, 817, p. 28.
[7] Il est d’ailleurs instructif (et amusant) de constater que la thèse d’une sorte d’essence fasciste de la métapsychique apparaît en général chez des auteurs connus pour leur historicisme. Je pense, par exemple, à Carlo Ginzburg, chez qui l’argument est toujours à fleur de plume.
[8] Il suffit, pour s’en convaincre, de songer au destin des matériaux magnético-hypnotiques. Ces derniers contenaient en germe, entre autres implications, la théorie freudienne, mais aussi la métapsychique. La première, que Freud comparait à la « peste », a intimidé quelques décennies, avant de se répandre de la façon que l’on sait. Les résistances rencontrées par la psychanalyse à ses débuts sont d’ailleurs sans commune mesure avec celles que connut le magnétisme. Je revois encore Ellenberger, invité par la section de philosophie de l’université de Dijon en 1975, démontrer méticuleusement que la psychanalyse n’avait pas rencontré la résistance qu’elle prétend, et qu’il s’agit en partie d’une sorte de mythologie héroïque propagée par Freud.
[9] Hergé, Vol 714 pour Sydney, Casterman, 1970.
[10] Pour qui a traversé la métapsychique, les audaces de l’endo-ethnologie, genre traversée du Luxembourg ou du métro, sont aux véritables défis ce que le Petit Trianon était à l’agriculture.
[11] Dans L’œil du psychanalyste (Payot, 1973, p. 76) le psychiatre René Held s’efforce ainsi, de façon touchante, d’excuser Breton, autant que faire se peut, de son coupable intérêt pour la métapsychique. A ces fins, il invente une distinction (hélas totalement fantasmatique) entre la parapsychologie et la métapsychique, dont je fais grâce au lecteur. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les termes dans lesquels il la décrit : « Avant d’aller plus loin, écrit-il, il nous était semble-t-il, indispensable d’effectuer cette discrimination, sous peine de charger Breton du faix de croyances métapsychiques d’une grossièreté et d’une « énormité » tout à fait incroyables. » Les passages soulignés le sont par l’auteur).